Malraux considère le roman comme « un moyen d'expression privilégié du tragique de l'homme ». Ses romans engagés relatent quelques drames historiques du siècle, desquels Malraux se fait le témoin. Il s'attache à l'étude des passions comme vecteurs de l'action humaine et met en relief ce qui est soit protestation de la condition humaine soit promesse de son amélioration. Dans l'homme précaire et la littérature, Malraux affirme qu'il existe une rupture historique du genre romanesque qui correspond au passage d'un monde clos, organisé par la religion qui lui confère un sens à celui de la remise en question : désormais, « la question chasse la réponse ». Les grands romans, au contraire du théâtre ou du roman policier, se définissent par leur faculté à interroger, en dépit de l'affirmation que peut apporter isolément le paragraphe ou la particularité de l'interrogation dépendant du romancier. Toutefois, élever au rang de grands romans ces œuvres qui interrogent pourrait être davantage dû au contexte moderne qui prône l'incertitude comme moyen d'appréhender le monde. En outre, comment expliquer le fait que cet accès à l'interrogation semble être propre au seul genre du roman ? Existe-t-il des modalités particulières ? En effet le roman, en se singularisant du genre de l'épopée, suit l'évolution de la société et crée une rupture d'où naît l'interrogation. Le surgissement de cette dernière échappe au cadre du récit pour trouver sa source ailleurs. D'ailleurs, il semble que le roman ne soit pas le genre unique de l'interrogation.
[...] D'ailleurs, il semble que le roman ne soit pas le genre unique de l'interrogation. L'épopée médiévale transforme en mythe l'événement historique et se constitue par là même fondement de la communauté. Le roman, héritier de l'épopée, s'en détache peu à peu pour tendre au réalisme. Celui-ci constitue la matière des reproches faits au roman aux XIXe et XXe, modifiant sa relation avec le monde réel. En héritant de l'épopée, le roman se fait projection de la société médiévale et de ses codes tout en y ajoutant des éléments réalistes que lui fournit le quotidien. [...]
[...] La poésie, le théâtre sont-ils forcément des genres qui affirment ? L'interrogation romanesque ne prend-elle pas sa source ailleurs que dans la littérature ? Comment expliquer que le théâtre et la poésie dans certains cas puissent aussi interroger ? Du moins l'interrogation au sens le plus large n'est-elle pas un présupposé d'époque ? L'ambition du roman, et du romancier, n'est peut-être pas d'interroger. En effet, Roland Barthes montre dans les essais critiques que la littérature n'est que moyen, dépourvu de cause et de fin Et la production de l'écrivain, le roman, s'apparenterait à l'objet compliqué de l'artisan qui n'aurait pas défini son modèle ni à quel usage il le destine. [...]
[...] Ceci explique la diffusion de la philosophie et de l'attitude philosophique à tous les hommes et non plus seulement à une minorité érudite de la société. La recherche, l'amour de la sagesse et de la vérité existent depuis la nuit des temps mais sa vulgarisation au sens d'accessibilité pour toute la société s'est opérée relativement tard dans l'histoire de l'humanité. De fait, comment pouvons-nous interpréter la multiplication de nos jours de romans philosophiques ? Qu'apportent-ils de plus au roman qui pose déjà la question fondamentale du sens ? [...]
[...] La réponse qui n'appartient ni au lecteur ni à l'auteur laisse le doute suspendu au dessus des pages, rendant nécessaire le recours au récit pour marquer l'impossibilité d'accéder à la vérité. Néanmoins ce discours surplombant le récit peut prétendre également à l'affirmation. En outre, le narrateur n'interroge pas forcément son lecteur par sa parole, il peut au contraire décider de transmettre ses idées, imposer son autorité sur le sens qu'il veut donner à son récit. Cela dans le but d'assurer l'univocité de son message. C'est le cas tout particulièrement des romans à thèse comme l'espoir de Malraux. [...]
[...] Le récit en présentant un ordre naturel qui correspond à un système rationaliste et organisateur, appelle à la confiance en la logique des choses justes et universelles et présente ainsi un monde cohérent, prévisible voire caricaturé. La mise en place d'un système raisonné permet la prévision de l'action et retire la part de surprise que réserve le monde réel. De plus, ce récit qui se revendique stricte copie du réel expose dans le même temps son impuissance. Pour Sartre, le récit recompose le réel pour lui donner la cohérence d'un destin. Or dans la vie, les événements sont contingents, imprévisibles pour ceux qui ne dépendent pas de l'homme. [...]
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