Le roman décadent est-il un roman du particulier ?

Thèmes abordés

Roman décadent, forme, structure, roman particulier, Dorian Gray, Oscar Wild, Jean Floressas des Esseintes, À rebours, Le portrait de Dorian Gray, roman naturaliste, Comédie humaine, Balzac, Manon Lescaut, Lord Henry, Les soeurs Vatard, décadentisme, Ruth Plaut Weinreb, Baudelaire, Zola, Biron

Résumé du document

Le mouvement littéraire du décadentisme se développe en fin du XIXe siècle en Europe. Il est alors controversé. En 1884, À rebours de Joris-Karl Huysmans marque ses débuts et constitue le roman le plus représentatif de ce mouvement. Il présente un aspect « décousu », des anachronismes et des distorsions. Le décadentisme refuse le naturalisme et lui préfère des personnages en crise, tel Dorian Gray dans le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde et Jean Floressas des Esseintes dans À rebours. Et pourtant leur personnalité, sans doute en raison de leur singularité, nous attire. Ces personnages sont soumis à de multiples tentations, à des désirs qu'ils justifient par leur grand sens de l'esthétique. Ils sont décadents.

Extraits

[...] De même, les naturalistes qui veulent conformément à la méthode scientifique dégager des lois, des généralités ne dressent-ils pas également des cas du particulier. Si dans l'univers décadent l'artifice est roi, les nombreuses descriptions relatives aux parfums, aux pierres précieuses, ou bien à la religion dénotent pourtant de sérieuses documentations à la façon d'un scientifique. Biron écrit à propos de ces descriptions : « Vu sous l'angle de la sociocritique lukácsienne, Huysmans, c'est du Zola, mais en pire, car on barbotte chez lui dans les eaux marécageuses du « petit réalisme », c'est-à-dire du médiocre, du détail, par opposition aux visions océanes et pourvoyeuses de sens historique qui définissent le grand réalisme balzacien. [...]

[...] Si l'œuvre du décadentisme, se caractérise par le fait de mettre en scène des personnages « hors norme » qui se laisse aller à assouvir leurs désirs les plus sombres, tout en vivant avec un sens aiguë de l'esthétisme peut-on dire pour autant que leurs particularités ne touchent pas l'homme lambda, qu'elles n'en appellent pas à des sentiments présents chez l'homme du commun ?La structure de l'œuvre Lassitude, ennui, quête d'un idéal inaccessible, quel auteur, lecteur, homme n'a connu ce sentiment ?Il a été reproché à l'œuvre À rebours, une absence de structure et de forme. Le roman est aussi décousu que le cheminement psychologique de son personnage central. Certains auteurs tels que H. [...]

[...] Mais ces passions se lisent sous l'égide de la vraisemblance sociologique et psychologique comme dans Manon Lescaut d'Antoine François Prévost (1731), où Paris n'est pas décrit comme un simple décor. En revanche, chez Oscar Wilde, ce n'est pas le souci d'un quelconque réalisme qui prime, c'est « l'art pour l'art ». Comme il l'écrit à son ami R. Clegg « L'œuvre d'art est inutile comme la fleur est inutile ». D'ailleurs dans le Portrait de Dorian Gray, Lord Henry se fait le porte-parole de cette vision des choses. Le but de l'art est de montrer la beauté des choses. [...]

[...] L'ordre dans lequel des Esseintes effectue ses desseins est indifférent ». Mais n'est-ce pas là une façon pour l'auteur de montrer que chaque journée est, pour ce personnage touché par l'ennui moral, identique et substituable ? En effet, Huysmans écrit À rebours dans un esprit schopenhauerien, il décrit la lassitude et une course effrénée à la satisfaction. Mais sitôt une satisfaction atteinte (trouver le croisement le plus parfaitement monstrueux de fleurs par exemple), le cycle de l'ennui, suivi d'une nouvelle quête, se perpétue. [...]

[...] Il parle du livre jaune (c'est ainsi qu'est nommé À rebours par le jeune homme) comme du responsable de sa débauche : « vous m'avez offert jadis un livre empoisonné. Je ne devrais pas vous le pardonner. Harry, promettez-moi de ne plus jamais prêter ce livre à personne. Il fait du mal. » (1890, p . 210). Mais selon Bataille (1969), ce n'est pas de la responsabilité de la littérature, elle peut tout dire ; elle est justement l'expression de ce qui est inimaginable et infaisable sur le plan de la morale. [...]