Avec la parution de Bérénice en 1670, Racine tente d'introduire dans le théâtre classique une nouvelle esthétique tragique. En effet, bien qu'il respecte la structure et les règles de la tragédie classique, il choisit de s'éloigner en divers points du genre théâtral traditionnel, notamment par la simplicité de l'intrigue et l'absence de sang au dénouement. « Faire quelque chose de rien », voici donc tout l'enjeu de Bérénice, qui dans une esthétique épurée, présente un système dramatique chargé de peu de matière et caractérisé par une réduction au minimum qui touche non seulement les péripéties, la quantité de vers mais aussi les personnages. Ainsi, la pièce ne présente que trois personnages principaux, accompagnés chacun d'un confident. C'est sur ce point précis que portera notre étude, car nous pouvons nous interroger sur cette volonté de l'auteur qui a tenu à inclure trois personnages secondaires dans une pièce qui se voulait pourtant simplifiée à l'extrême.
Roland Barthes ayant lui-même consacré une partie de son œuvre Sur Racine à l'analyse du confident, nous pourrons nous appuyer sur ses propos pour décomposer notre étude en trois parties. La première traitera du rôle narratif du confident dans Bérénice, de sa fonction au sein du récit même, ce qui nous conduira ensuite à évoquer sa relation au héros et la place qu'il occupe au sein du système des personnages. Enfin, nous verrons de quel façon il s'intègre au genre de la tragédie par l'étude de sa fonction dramatique.
[...] Comme les trois héros sont séparés l'un de l'autre et enfermés dans leur propre conflit intérieur, l'utilisation d'apartés et de monologues à répétition n'aurait présenté aucun intérêt réel au niveau narratif, puisque nous n'aurions eu qu'un point de vue isolé alors qu'ici, c'est la confrontation des opinions qui fait avancer les choses. L'échange verbal entre le maître et son confident, comme il a lieu à double sens, offre donc des perspectives d'évolution certaines en ce qui concerne le déroulement de la pièce. Cependant, ces perspectives d'évolution restent limitées. En effet, les confidents ne font pas avancer l'intrigue concrètement, par leurs décisions ou leurs actions (autres que leurs sorties transitoires). Ils ne peuvent qu'intervenir auprès de leur maître pour tenter de l'influencer dans ses choix ou faire le messager auprès d'un autre. [...]
[...] Si dans son texte, Roland Barthes insiste surtout sur le contrepoids positif que constitue le confident face au héros, c'est qu'il reprend une idée chère à Racine : la faiblesse humaine, symbole de l'anti-héroïsme. L'auteur se sert effectivement de la figure du confident pour faire ressortir par un effet de contraste, l'humanité, la faiblesse et l'impuissance des héros, prenant ainsi le contre-pied du modèle héroïque Cornélien. [...]
[...] En effet, le confident a tout d'abord un rôle informatif, vis-à-vis de son maître, et par le procédé de la double énonciation, vis-à-vis du spectateur. Il fournit des indications nécessaires à la compréhension de l'intrigue, des renseignements sur la situation actuelle ou à venir, et permet au public de découvrir en même temps que le héros la suite de l'histoire. Dans l'acte I scène 5 par exemple, Phénice met en garde Bérénice contre le jugement de Rome, et révèle ainsi au spectateur pour la première fois ce qui deviendra le problème central de la pièce : Rome vous voit, madame, avec des yeux jaloux [ ] L'hymen chez les Romains n'admet qu'une Romaine Ici, le confident synthétise le conflit, le met en lumière. [...]
[...] En réalité, si le dialogue existe entre Titus et Paulin, Antiochus et Arsace, Bérénice et Phénice, ce n'est que parce que les confidents sont utilisés en quelque sorte comme miroirs comme objets. Ils se définissent moins par leurs caractéristiques psychologiques que par leur fonction au sein de la progression narrative et leur situation hiérarchique dans la système des personnages. Pouvant être remplacés par n'importe quel autre, ils sont interchangeables et ne s'illustrent que par leur présence et leur disposition à écouter les plaintes du héros. [...]
[...] Leur fonction narrative est ainsi mise en exergue puisque leurs déplacements contribuent à l'unité de l'œuvre et en font des personnages pivots pour l'articulation de l'ensemble de la pièce, des missionnaires chargés de mettre face à face ces personnages que le conflit oppose et empêche de communiquer d'eux-mêmes. Le confident a donc par conséquent une autre fonction narrative très importante : il permet le dialogue. Par sa simple question Quoi Seigneur ? (Acte II scène Paulin incite Titus à parler et à révéler ses intentions vis-à-vis de Bérénice. [...]
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