Dans La chanson de Roland, œuvre épique du XIIème siècle, la notion de personnage ne va pas de soi. En effet, dans le genre de la chanson de geste, les noms propres ne recouvrent que des rôles figés par la tradition, si bien que son « personnel » se compose d' « êtres » qui renvoient surtout à des codes rhétoriques sans chercher à concurrencer l'état civil : plus que dans tout autre type de texte, leurs « caractéristiques psychologiques » sont d'abord des signes littéraires, qui prennent leur sens du système narratif global dans lequel ils sont plongés. Il n'en reste pas moins que des figures marquantes ressortent de l'œuvre, figures dont l'étude est éclairante parce qu'elles représentent et rendent parfois plus lisibles les valeurs et les enjeux textuels majeurs. Tel est le cas de Roland et de Ganelon en qui, au-delà des conventions propres à la chanson de geste, on peut aisément reconnaître des « actants ». Ils sont dotés d'une individualité significative. Ils jouent un rôle prépondérant dans l'œuvre et représentent deux sphères opposées. Leurs relations conflictuelles structurent la narration et sont révélatrices de problématiques plus profondes. C'est pourquoi nous pouvons nous interroger sur la valeur fondatrice d'un antagonisme apparent entre ces figures. Comment les idées qui semblent a priori les opposer sont en fait le témoignage de valeurs communes ? Il est intéressant, dans un premier temps, d'étudier ce conflit fondateur puis, dans un deuxième temps, d'observer l'existence d'une proximité sous-jacente et enfin, dans un troisième temps, d'aborder la fonction narrative de cette dichotomie.
[...] Roland et Ganelon dans La chanson de Roland Dans La chanson de Roland, œuvre épique du XIIème siècle, la notion de personnage ne va pas de soi. En effet, dans le genre de la chanson de geste, les noms propres ne recouvrent que des rôles figés par la tradition, si bien que son personnel se compose d' êtres qui renvoient surtout à des codes rhétoriques sans chercher à concurrencer l'état civil : plus que dans tout autre type de texte, leurs caractéristiques psychologiques sont d'abord des signes littéraires, qui prennent leur sens du système narratif global dans lequel ils sont plongés. [...]
[...] Les figures de Roland et Ganelon sont a priori totalement antithétiques et l'on serait tenter de réduire leur opposition à celle du bon et du méchant ; Cependant, on s'aperçoit en étudiant plus finement les passages qui les concerne que cette analyse manichéenne est insuffisante. Ils possèdent tous deux des qualités et des défauts qui ont une utilité dans l'œuvre. Leur relation est très importante dans la construction de La chanson de Roland. III La fonction narrative du conflit 1. [...]
[...] Par ailleurs, il exprime violemment sa colère et son refus d'obtempérer ce qui pourrait être synonyme de lâcheté. Il est en contradiction flagrante avec des valeurs épiques aussi fondamentales que le sacrifice à l'intérêt général et l'écoute des exigences célestes d'après Jean Maurice dans son étude La chanson de Roland. Il s'exclame : Tut fol au vers 286, puis il menace Roland. En revanche, alors que ce dernier accepte de prendre la tête de l'arrière-garde et il ne manque pas de rappeler l'incident pour se moquer de son beau-père aux vers 763/765 : Ahi ! [...]
[...] Ganelon exprime également son attrait pour les richesses, notamment lors de l'accord avec Marsile qui lui propose : .X. muls cargez del plus fin or d'Arabe» (v.652). De nombreux symboles mettent en exergue ces différences profondes de caractère entre les deux personnages. Par exemple, la lumière semble correspondre à leurs actes. En effet, lorsque Ganelon rejoint l'armée de Charlemagne après son pacte avec les Sarrasins, il fait nuit. En revanche, la bataille menée par Roland a lieu en plein jour. [...]
[...] Cette opposition précise renvoie au vers 1015 : Paîen unt tort e chrestïens unt dreit. D'après Henri Legros dans son ouvrage L'amitié dans les chansons de geste à l'époque romane déclare : [Roland] est le seul, avec Turpin, à évoquer des raisons religieuses pour justifier la possibilité d'une victoire, malgré l'infériorité numérique des Francs Il incarne donc les valeurs positives du vassal et du chevalier dévoué à la religion qui s'opposent à celles du traître qui a renié son camp et sa foi . [...]
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