Il ne fait aucun doute que les modes de production et de transmission du savoir influencent (voire déterminent) la nature de la connaissance produite. On peut se demander quelle forme prendra la connaissance produite avec les nouveaux supports matériels du texte et les nouvelles pratiques de lecture que ces supports engendrent. L'hypertexte, dernière phase historique de l'évolution de l'écrit, se constitue comme un réseau d'informations où chaque concept renvoie à plusieurs autres, permettant la lecture non-linéaire d'un système chaque fois réorganisé. Déjà, plusieurs penseurs n'hésitent pas à faire de l'hypertexte, ou du World Wide Web qui en est l'emblème, le nouveau paradigme organisateur de la société contemporaine. Il n'est pas surprenant que l'espace ouvert par un ensemble d'innovations technologiques offre un champ de bataille tout neuf aussitôt investi par de vieilles querelles philosophiques. Mais, placées devant des phénomènes nouveaux, ces querelles se voient amplifiées par un déchirement entre l'enthousiasme de la science-fiction prophétique et le détachement de l'historien qui relativise l'importance des transformations. Il en résulte un brouillard conceptuel que j'essaierai ici de dissiper, où du moins de ne pas entretenir.
Du point de vue historique, l'hypertexte s'insère dans la suite des innovations technologiques ayant permis au texte écrit de se libérer progressivement de la contrainte de linéarité propre à l'expression orale. On accepte généralement qu'en fixant la pensée, l'écriture aurait « introduit une possibilité d'ordre, de continuité et de cohérence là où régnaient la fluidité et le chaos.» Or, en favorisant la libre association des idées, l'hypertexte ne donne plus à l'écrit la fonction de fixer le flot associatif qu'est la pensée, mais plutôt de refléter le plus adéquatement possible cette mouvance et d'en rendre compte. Mais déjà, la compréhension de l'hypertexte repose sur une théorie de la connaissance et de la signification, sur une définition de la pensée, sur le sens du passage de l'oral à l'écrit, bref, sur autant de problèmes qui jamais peut-être ne feront consensus.
[...] McLuhan & B. Powers, The Global Village. Transformations in World Life and MEdia in the 21st Century, New York, Oxford University Press p. [...]
[...] L'exemple de la recherche sur les hypertextes in Informations In Cognito, vol mars 1994, p.6 E.Aarseth, Cybertext. Perspectives on Ergodic Literature, Baltimore, Johns Hopkins University Press p.1 Aarseth p.9 J. McGann, Radiant Textuality. Literature after the World Wide Web, New York, Palagrave p.148) P.Lévy, L'intelligence collective, Paris, La découverte p Aarseth p.14 Aarseth p.3 M.Heim, The Metaphysics of Virtual Reality, New York, Oxford University Press p.35 Aarseth p.15 Petit Robert, Paris p.1098 Aarseth p.46 Aarseth p.41 Bolter in E.Aarseth, Cybertext. [...]
[...] (Montréal, Boréal, 1999). Vanderdorpe, Christian et D. Bachand (dir.). Hypertextes, espaces virtuels de lecture et d'écriture. (Québec, Nota Bene, 2002) C.Vandendorpe, Du papyrus à l'hypertexte. Essai sur les mutations du texte et de la lecture, Montréal, Boréal p D. Bachand, Introduction in Hypertextes, espaces virtuels de lecture et d'écriture, dir. C.Vanderdorpe et D. Bachand, Nota Bene, Québec p.8 P.Lévy, B.Gervais, Traqué, détraqué : Mémento ou le texte d'une mémoire brisée in Hypertextes, espaces virtuels de lecture et d'écriture, dir. [...]
[...] La confusion résulte une fois de plus de ce que l'on ne considère pas comme deux choses distinctes le texte et le sens qu'il produit d'une part et la pratique de lecture d'autre part. De même, Aarseth identifie la stratégie argumentative inverse selon laquelle l'hypertexte, comme n'importe quel texte, ne peut pas réellement être non-linéaire puisque le lecteur peut seulement le lire selon une séquence à la fois. Cette argumentation se réduit à l'affirmation du caractère nécessairement séquentiel de la lecture : affirmer que les lectures hypertextuelles sont linéaires revient alors à affirmer seulement qu'elles sont temporelles.[16] Bien que certains théoriciens de l'hypertexte aient suggéré les concepts alternatifs de multi-linéarité et de multi-séquentialité, Aarseth maintient le terme de texte non-linéaire qu'il définit ainsi : Un texte non-linéaire est un objet de communication verbale qui n'est pas qu'une simple séquence fixe de lettres, de mots et de phrases, mais où plutôt les mots où la séquence des mots peuvent différer d'une lecture à l'autre à cause de la forme, des conventions et des mécanismes du texte.[17] Ainsi, bien que ce soient les lectures qui varient d'une fois à l'autre, les conventions et les mécanismes du texte sont néanmoins la cause de cette variation. [...]
[...] J'aimerais néanmoins approfondir la perspective de la continuité en m'attardant sur la confusion qu'elle suscite par rapport à la linéarité et au rôle du lecteur. * Linéarité * Dans un premier temps, on distingue l'écriture linéaire, caractérisée par des contours syllabiques linéaires des images-signes de l'écriture hiéroglyphique[15]. La linéarité est aussi un concept commun en narratologie; elle désigne simplement une narration qui respecte l'ordre chronologique d'un récit. Si l'on s'applique à ne pas confondre les différents objets qu'il désigne, le concept de linéarité est plutôt clair. [...]
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