Le rêve chez Maupassant

Résumé du document

Les récits qui reposent uniquement sur des rêves sont assez peu fréquents chez Maupassant, et souvent le rêve n'est qu'un épisode plus ou moins anecdotique à l'intérieur de la narration. Néanmoins, ce thème apparaît aussi sous d'autres formes dans son œuvre : rêve éveillé, confusion, chez des personnages particulièrement instables, entre le rêve et la réalité, ce qui peut se manifester par des phénomènes de délire, de somnambulisme ou même de visions ou d'hallucinations. Le rêve se trouve alors intimement lié à la folie, qui consiste, en fin de compte, à ne pas être capable de faire la différence entre le rêve et la réalité

Extraits

[...] D'autre part, le rêve se caractérise par l'absence des principes de causalité et d'identité, ce qui lui donne un caractère particulièrement incohérent et invraisemblable. Le narrateur du Horla l'explique ainsi : "le rêve ( ) nous promène à travers les fantasmagories les plus invraisemblables, sans que nous en soyons surpris, parce que l'appareil vérificateur, parce que le sens du contrôle est endormi ; tandis que la faculté imaginative veille et travaille." Ce caractère invraisemblable se retrouve notamment dans le rêve fait par le narrateur de la nouvelle intitulée Un fils : il rêve de celui qu'il croit être son fils et le voit "se chang[er] en chien" et le poursuivre et il précise que, "au lieu d'aboyer, il parlait". [...]

[...] Il semble donc intéressant d'étudier non seulement la façon dont le récit de rêve à proprement parler est traité chez Maupassant, mais aussi comment celui-ci s'intéresse à d'autres formes de rêves : rêve éveillé tout d'abord, confusion entre rêve et réalité d'autre part chez des personnages confrontés à leurs propres angoisses et qui finissent parfois par basculer dans la folie. I. Le rêve 1. La rhétorique du rêve L'œuvre de Maupassant contient un certain nombre de rêves présentés explicitement comme tels, avec toutes les caractéristiques du rêve. Celui- ci est ainsi généralement parfaitement délimité par un endormissement et un réveil. [...]

[...] Le même auteur définit ainsi ce type de textes (La folie dans la littérature fantastique, p. 170): "Tout dans ces récits indique la résistance incoercible du fantastique à l'effort de rationalisation qui consiste à le tenir pour sujet à caution, à le considérer comme la manifestation névrotique d'un esprit malade. Ces textes qui, loin d'exclure les thèses opposées, les rassemblent et les associent, montrent, d'une façon exemplaire, les relations contiguës, ambiguës et, en profondeur, complices et solidaires du surnaturel et de la pathologie, du fantastique et de l'univers fantasmatique des aberrations mentales." Les récits mettant en scène une vision provoquent souvent une hésitation chez le lecteur comme chez le personnage lui-même, qui ne savent pas au juste s'il s'agit de la réalité (et donc d'un phénomène surnaturel), d'une hallucination ou d'un rêve. [...]

[...] Dans Un fils, le narrateur subit en rêve des "visions insupportables". Or, si l'on en croit Freud, "les rêves à contenu pénible se résolvent en rêves d'accomplissement de désir". On peut donc voir dans ce rêve où le narrateur est accusé d'avoir pour fils un valet d'écurie, fils d'une servante qu'il avait séduite, la manifestation de son désir de paternité Les rêves liés au remords Mais le rêve relaté dans Un fils est aussi dû au sentiment de culpabilité du narrateur, qui se reproche d'avoir abandonné la servante et son fils. [...]

[...] C'est ainsi que le narrateur de cette nouvelle ne cesse de s'interroger je n'étais sûr de ce que j'ai vu, ( ) je me croirais un simple halluciné, le jouet d'une étrange vision. Après tout, qui sait dans un texte scandé par la reprise répétée du titre : "qui sait Et, d'une manière plus générale, la plupart des contes fantastiques de Maupassant sont placés sous le signe de l'hésitation et de la subjectivité, notamment à travers l'emploi fréquent de titres interrogatifs (Qui sait Lui ou d'expressions modalisantes. De plus, chez cet auteur, les personnages hallucinés, fous, parlent souvent à la première personne. [...]