L'écriture cervantine a su établir incontestablement une écriture qui a rendu universel son Don Quichotte : plus qu'une référence, ce livre est devenu un mythe réemployé à toutes les époques et sous tous les courants, comme une figure idolâtrée qu'on porterait aux nues. Flaubert lui-même, dans son œuvre, s'en est emparé plusieurs siècles plus tard, lui qui a trouvé ses origines dans ce livre, qu'il « connaissait par cœur avant même d'avoir appris à lire ». C'est dire si ce livre est devenu une référence dans le monde de l'écriture. Mais qui dit origine, de l'écrivain, dit aussi naissance d'une écriture, et donc naissance d'un nouveau Don Quichotte, empli d'Idéal. Celui-ci apparaît dans la figure de Mme Bovary comme dans celle de Frédéric (L'Education Sentimentale) ou encore de Félicité (Un cœur simple, Flaubert), qui incarnent dans leurs œuvres respectives l'image d'un individu confronté au monde dans lequel il doit faire ses preuves. De la dévotion à l'adultère, une essence persiste, celle de la quête d'idéal.
[...] Il est donc important de ne pas négliger l'aspect événementiel des deux temporalités ici présentes : celle d'une écriture dans l'actualité de son temps, et celle de la fiction inscrite dans un passé réel et proche, que les lecteurs ont pu connaître. L'histoire de Don Quichotte, pour commencer, se déroule dans un passé proche du temps de l'écriture : il y n'y a pas longtemps ; l'œuvre en elle-même a été produite entre 1605 et 1615. Histoire et écriture se déroulent dans un contexte de désenchantement aussi bien politique que culturel. [...]
[...] Ainsi, comme la proposition faite au Tome II de Don Quichotte pour que le héros se fasse berger, retourner vers Dieu semble encore un moyen de trouver une alternative contre la réalité. La question de l'Idéal est donc une thématique très présente et même caractéristique dans Don Quichotte et dans les œuvres qui s'en inspirent chez Flaubert. Si loin du Réel, cet Idéal devenu rêve inaccessible accompagne les héros dans leur quête du mieux jusqu'à ce que les désillusions les séparent pour les conduire à la mort. [...]
[...] Dans ces circonstances, à qui pourrait donc se confier notre héros ? D'autres interlocuteurs Les autres personnages créés par les romanciers croient que le protagoniste de l'histoire est devenu fou et ne comprennent rien à cette nécessité vitale de posséder un Idéal ; bien qu'ils perçoivent une sagesse dans le discours du héros, ils ne parviendront pas à prendre ce dernier au sérieux. Si quelquefois ils paraissent conforter les personnages dans leur folie ce n'est que pour leur jouer des tours dans une intention mauvaise. [...]
[...] Nous verrons ainsi que si l'Idéal de Don Quichotte est marqué par le passé, la chevalerie du Moyen- âge, celui d'Emma va mêler le romanesque d'antan avec la modernité de l'image de la courtisane parisienne. Une courtisane naïve, exclusive, certes, mais très soucieuse de l'image qu'elle va donner d'Elle. Emma Bovary va créer ainsi un environnement plus proche de celui que Frédéric dans l'Education sentimentale va instaurer dans l'espoir d'y accueillir la femme tant aimée, quitte à débourser tout son argent dans son mobilier et sa tenue vestimentaire et avoir à peine de quoi se nourrir. [...]
[...] Un livre à la morale multiple Quelle morale tirer de la mort des deux héros ? Tout d'abord que nous ne sommes rien sans Idéal, et que celui-ci est ce qui stimule notre gout pour la vie. Cependant, que nous disent les auteurs sur ces individus qui ont voulu vivre excessivement dans la perspective d'un Idéal ? Leur mort est décrite sans pathos, avec la volonté pour Cervantès et Flaubert d'utiliser la neutralité du style descriptif, ou encore de multiplier les points de vue pour pouvoir mieux masquer le leur. [...]
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