Tous nos souvenirs de théâtre nous confirment dans la certitude que sur scène nous sont presque toujours montrés des querelles, émouvantes ou ridicules, des conflits aux conséquences variables. Enfants, nous avons ri des bastonnades que les acteurs feignent de s'infliger sur la scène, des cris de colère ou de fureur des protagonistes des farces et des Comédies.
Plus tard, nous n'avons pas manqué dans les comédies les disputes entre parents et enfants ni les scènes de jalousie jouées par des maris soupçonneux, tandis que nous découvrions la cruauté se déchaînant dans la tragédie. Dans nos souvenirs donc, et aux deux extrêmes du comique et du tragique, se trouvent Argante enfoui dans un sac et roué de coups sous les rires de la salle, et Agamemnon égorgé à son retour de la guerre de Troie sous les yeux de son épouse Clytemnestre.
La violence est omniprésente au théâtre, nous terrifie, nous fait réfléchir ou tout simplement nous amuse. Il est donc utile de s'interroger sur les ressources spécifiques dont le théâtre dispose pour représenter le conflit, en examinant à la fois le texte écrit et les constituants de la représentation.
[...] Un tel procédé produit un échange comique, ainsi dans Les Femmes savantes, quand les deux pédants, Vadius et Trissotin, se lancent des insultes: Trissotin- Vous donnez sottement vos qualités aux autres. Vadius- Fort impertinemment vous me jetez les vôtres. Trissotin- Allez, petit grimaud, barbouilleur de papier. Vadius- Allez rimeur de balle, opprobre du métier. Le face-à-face d'ennemis jurés dans la tragédie peut s'exprimer avec le même procédé. Dans Le Cid de Corneille, la dispute entre Don Diègue et le Comte (acte scène qui aboutit au soufflet offensant lancé par celui- ci, se déploie dans la stichomythie. [...]
[...] Il se poursuit quand chacun choisit son camp et génère des péripéties. Le matériau de l'intrigue est bien le développement, l'amplification puis la résolution du conflit qui a toujours lieu au moment du dénouement. Ajoutons que le projet d'un mariage est également source d'affrontement au sein non plus de la famille mais de la société. Dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, l'intrigue complexe et bondissante naît du refus indigne du comte Almaviva de voir Suzanne, femme de chambre de la comtesse, épouser son valet Figaro. [...]
[...] Lutte symbolique entre la raison et le conditionnement idéologique. La violence stylisée Les combats avec des armes, les duels, les rixes n'ont pas toujours effrayé les auteurs dramatiques. On se bat dans le théâtre élisabéthain, et notamment chez Shakespeare. Dans Roméo et Juliette, dès le lever de rideau, les jeunes gens des deux clans, Montaigu et Capulet, se battent, et la foule s'en mêle: Tous se battent. D'autres partisans des deux maisons arrivent et se joignent à la mêlée. Alors arrivent des citoyens armés de bâtons nous indique une didascalie (acte scène première). [...]
[...] Le lyrisme le plus touchant n'est pas absent dans ces scènes de désaccord profond, ou se heurtent l'amour et la haine. Racine, dans Andromaque, nous présente une entrevue terrible entre Pyrrhus et la veuve d'Hector, sa captive dont il est profondément amoureux (acte scène 4). La violence de Pyrrhus passe entièrement dans le lyrisme, dans des vers chargés d'amour malheureux et de haine incontrôlée: Songez-y bien: il faut désormais que mon cœur,// S'il n'aime avec transport, haïsse avec fureur. La disposition de l'antithèse dans l'alexandrin met en lumière la force des sentiments, et l'on voit qu'à l'affrontement des deux personnages dont on ne sait plus qui est la victime et qui est le bourreau, s'associe le déchirement intérieur, non pas que Pyrrhus délibère avec lui-même, il est dominé par des mouvements passionnels incontrôlables. [...]
[...] Il est donc utile de s'interroger sur les ressources spécifiques dont le théâtre dispose pour représenter le conflit, en examinant à la fois le texte écrit et les constituants de la représentation. On peut voir comment la construction d'une intrigue est un premier moyen de représenter le conflit, puis se pencher plus attentivement sur le texte et voir ce que le style et la rhétorique mettent à la disposition d'un auteur pour évoquer l'affrontement, enfin s'interroger sur la mise en scène et la représentation concrète de celui-ci. [...]
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