Le renouvellement de la forme de l'autobiographie au XXe siècle

Thèmes abordés

Renouvellement de la forme, autobiographie, XXe siècle, époque, narration, paradis perdu, autoportrait, généalogie, écrivain, vocation, lecture, enfance, identification, souvenir

Résumé du document

Dans les années 1970, certaines des difficultés que rencontre un autobiographe paraissent insurmontables aux écrivains qui se lancent dans cette entreprise. Ils remettent en question le récit chronologique à la 1re personne, estimant que ce n'est pas la forme la plus appropriée pour détecter la vérité sur soi-même.

Extraits

[...] Vous vous rappelez que, dans Les mots, Jean-Paul Sartre innove - plutôt pour ce qui est du fond que de la forme - en désacralisant ses souvenirs d'enfance. Vous vous rappelez aussi que Nathalie Sarraute introduit une autre innovation dans Enfance, en faisant dialoguer deux narratrices. Quant à Georges Perec, il entrecroise deux récits : son « souvenir d'enfance » se trouve dans l'effet d'écho que produisent le récit fictif intitulé W et l'enquête menée sur les lieux de son enfance. Ajoutez le paragraphe suivant à la synthèse : Dans Souvenirs pieux, Marguerite Yourcenar remet en cause le principe du unique. [...]

[...] Yourcenar ne peut pas raconter ses toutes premières années ; elle adopte un procédé nouveau, qui consiste à mener une enquête, de l'extérieur, sur elle-même et à se contenter de recueillir documents et témoignages. Elle ne peut pas utiliser la 1re personne du singulier, pourtant rituelle dans l'autobiographie ; elle emploie donc la 3e personne pour parler d'elle-même. Retenez au moins l'une des deux formules suivantes (la première est la plus célèbre ; elle ouvre Souvenirs pieux) : « L'être que j'appelle enfant du sexe féminin ». [...]

[...] Nathalie Sarraute fait partie des auteurs qui, au XXe siècle, ont renouvelé l'écriture de l'autobiographie. Elle rejette l'autobiographie traditionnelle, qui lui paraît impudique ; elle rejette aussi un récit rendu artificiellement cohérent, comme si la mémoire fonctionnait de façon chronologique et continue. Vous vous souvenez que, dans son des Confessions, J. J. Rousseau avait entrevu la difficulté, mais l'avait éludée : « s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ». [...]

[...] Le récit qu'effectue Sartre se caractérise par un registre ironique et donne une vision amère de son enfance, loin du paradis perdu [qui rend Colette si nostalgique]. L'adulte dénonce l'illusion dans laquelle vivait l'enfant, en se prenant pour un petit génie et en se réfugiant dans l'univers imaginaire de ses lectures, des romans de cape et d'épée alors très en vogue auprès des jeunes lecteurs ; il ne s'aimait pas, il n'assumait pas son identité : gringalet qui n'intéressait personne » et préférait se glisser dans celle de Pardaillan  L'adulte dénonce aussi le mensonge entretenu par les adultes, qui s'extasiaient devant ses d'enfant », le jugeaient fort en avance pour son âge, mais en fait l'élevaient très mal en le tenant à l'écart des autres enfants de son il dénonce même les mensonges de sa mère, qui étaient cependant motivés par de bons sentiments ; la mère se mentait en effet à elle-même quand elle défendait à l'aide d'arguments contestables la petite taille de son comme si c'était un élément de supériorité ; elle mentait carrément à son fils quand elle dédramatisait l'indifférence dont il était victime, au jardin du Luxembourg, au contact des autres enfants : me sauver du désespoir, elle feignait l'impatience ». [...]

[...] L'autre narratrice vient perturber la tâche - trop facile  de la première en suggérant qu'il ne faut pas gommer les hésitations ni les mensonges. L'épisode limpide des pommes chez J. J. Rousseau ou celui des jeux sur la grève dans les Mémoires d'Outre-Tombe illustrent ce que Nathalie Sarraute ne veut pas faire. Dans ce texte, N. Sarraute évoque l'élaboration d'une rédaction sur le sujet suivant premier chagrin » par l'écolière qu'elle fut. La première narratrice tente de défendre son choix d'un récit charmant, qui satisfait les attentes des adultes. [...]