Après avoir défini son projet satirique (« mordre en riant », s. 62), Du Bellay entame une première série de sonnets où le poète s'en prend violemment depuis l'Italie à ses ennemis français. On ne se situe donc pas là dans la satire italienne. On passe de l'attaque ad nominem (Charles de Lestrange en s. 63) à l'attaque ad personam où il est plus difficile d'identifier les différents ennemis du poète. Il y a le « Bâtard » (du s.64), le « pédant » ou « l'envieux » ( s. 65 à 71), jamais désignés directement, mais clairement visés. C'est souvent un type moral qui dissimule un individu particulier. Ces sonnets sont tantôt adressés à différents interlocuteurs qui jouent le rôle de confidents (Pascal en s. 66, Magny en s. 67, Belleau en s. 71) tantôt à cet ennemi anonyme lui-même, qu'il prend directement à partie à plusieurs reprises ( en s ; 65, 69 et 70). Le sonnet 69 s'intègre donc dans un ensemble de sonnets satiriques dont la portée est très personnelle et l'ancrage à la fois français (du point de vue géographique) et littéraire (du point de vue social). Il ne s'agit pas ici pour Du Bellay de s'en prendre à un groupe social (les mauvais poètes) ou à un type humain ( le pédant, l'envieux) mais bien à un individu qui reste anonyme mais dont l'identité est sous entendue par Du Bellay. Le sonnet 69 constitue à coup sûr le plus virulent, le plus violent de l'ensemble. Il met face à face le sujet lyrique (directement identifié à l'auteur) et un ancien ami parisien, sans doute un poète, devenu un ennemi envieux dont il s'agit de se venger depuis Rome. Le degré de violence du poème ne conduit-il pas Du Bellay en dehors des limites morales (orgueil de l'orateur satirique) et esthétiques (absence de portée didactique) de la satire ? L'orateur satirique sort de son rôle et se métamorphose en matamore.
[...] L'anonymat permet au contraire de renforcer la violence du discours en accentuant l'invective. Contraste entre l'apparition orgueilleuse du poète (effet d'hybris) et la disparition méprisante de l'interlocuteur. Le rapport de force est clairement en faveur de l'orateur qui n'entend pas argumenter (travail de conviction servie par la raison) mais détruire (travail de persuasion servi par les passions). Voir la tradition Juvénalienne. Il ne s'agit point de s'en prendre à un défaut particulier de l'individu (l'envie) pour le réformer, mais de profiter du plaisir de la vengeance en savourant la force propre au discours. [...]
[...] Cette puissance du dire, côtoie de façon assez surprenante celle qui est accordée au Dieu de l'Ancien Testament, maître de la vengeance ou du pardon. Le Du Bellay tout puissant qui se met en scène dans le sizain témoigne d'une telle puissance. Cette exacerbation soudaine de la puissance du dire est révélatrice d'un regain de force qui excède les limites imparties à la satire morale horatienne. On retrouve dans ce sonnet une énergie vitale qui rompt avec la faiblesse mélancolique du début. Conclusion Le blâme de l'envieux va de pair avec l'éloge de l'envie, une envie d'agir, de réagir par la parole, d'écrire. [...]
[...] Le discours satirique Exercice de renversement. Passage d'un sentiment (l'amitié) à son contraire (la haine) qui présuppose une conception radicale de la satire qui va à l'encontre de celle qui est défendue dans le sonnet 62. La correction morale par le rire mordant laisse la place à la seule morsure. La satire n'est pas souriante. Il faut se livrer à une analyse précise du discours satirique qui permette de comprendre les procédés du discours violent, que ce soit sur le plan lexical (niveau de langue bas et familier, champ lexical canin : gronder, mâtin affamé, chien, rage syntaxique (interrogations) et rythmique (construction de distiques). [...]
[...] Le degré de violence du poème ne conduit-il pas Du Bellay en dehors des limites morales (orgueil de l'orateur satirique) et esthétiques (absence de portée didactique) de la satire ? L'orateur satirique sort de son rôle et se métamorphose en matamore. Le modèle rhétorique La situation discursive On a affaire à un effet d'adresse directe qui fait du sujet lyrique, identifié à l'auteur, un orateur satirique. Il ne s'adresse plus à un ami absent, mais à un ennemi absent qu'il suscite par la parole. Il évite le détour pour créer un effet d'adresse directe qui renforce la dynamique orale du discours. [...]
[...] Les regrets de Du Bellay (sonnet 69) Après avoir défini son projet satirique mordre en riant s. Du Bellay entame une première série de sonnets où le poète s'en prend violemment depuis l'Italie à ses ennemis français. On ne se situe donc pas là dans la satire italienne. On passe de l'attaque ad nominem (Charles de Lestrange en s. 63) à l'attaque ad personam où il est plus difficile d'identifier les différents ennemis du poète. Il y a le Bâtard (du s.64), le pédant ou l'envieux ( s à jamais désignés directement, mais clairement visés. [...]
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