Réflexion sur le théâtre, d’après un extrait des Entretiens d’Ostende, de Michel de Ghelderode

Résumé du document

Le théâtre est fondamentalement art de la représentation, ou de re-présentation, au sens où le temps de l'histoire fictive qui y est racontée est différent de celui qui lui est imparti durant la représentation. Ainsi, représenter c'est toujours plus ou moins, pour contredire Hugo, « faire grimacer l'histoire ». Le thème du temps au théâtre apparaît important par la complexité avec laquelle on peut l'aborder. Pour Michel de Ghelderode, l'approche en est positive. Dans ses Entretiens d'Ostende il souligne l'idée selon laquelle l'Homme se sert de l' « instrument »-théâtre pour « échapper au Temps » par divers moyens et notamment par le « jeu des conventions ». C'est ainsi que le dramaturge dresse un portrait d'une autre époque dans laquelle tous ceux qui assistent à la représentation sont projetés, « déjetés », portrait qui plaira ou non au public.
C'est en ces termes que Michel de Ghelderode définit ce que sont pour lui les enjeux principaux du théâtre, que nous pourrons examiner en détail, en considérant d'abord son approche du théâtre comme instrument d'imagination, les effets qu'il entend produire en connaissant les principes conventionnels de fonctionnement du théâtre et les liens qui se créent entre auteur et public. Enfin nous verrons en quoi la perspective de Ghelderode peut apparaître réductrice et permettre la discussion.

Extraits

[...] D'autant plus que son analyse du théâtre laisse encore des éléments à préciser. En effet, la proposition de Michel de Ghelderode apparaît aussi discutable et réductrice. Dans un premier temps, il oubli de nombreuses autres caractéristiques du théâtre qui, outre celles d'échapper au temps, font également son intérêt. Le théâtre ne peut être réduit à la fuite de la contrainte temporelle, car il est polymorphe. Le théâtre donne la réplique aux personnages et donc donne la parole à la parole. [...]

[...] C'est pourquoi les hommes continuent d'aller au théâtre, le rôle du spectateur étant toujours plus grand et ne se limitant pas au temps de la représentation puisque la réflexion se poursuit au delà. Le public à un rôle bien supérieur à celui d'agréer ou non à l'art du dramaturge : Ghelderode aurait pu également développer l'aspect de participation du spectateur qui prend de plus en plus forme, notamment avec des dramaturges comme Ariane, Mnouchkine et son Théâtre du Soleil. Bibliographie - Michel de Ghelderode, les Entretiens d'Ostende. [...]

[...] - Ionesco, Notes et Contre-Notes - Victor Hugo, La préface de Cromwell. - Antonin Artaud, Le théâtre et son double-« le théâtre et la peste - Claudel, Le Soulier de Satin. - Oskar Schlemmer, Théâtre et Abstraction. - Sophocle, Œdipe-Roi. - Sartre, Le Diable et le Bon Dieu. - Corneille, Le Cid. - Diderot, Discours sur la Poésie Dramatique. - Racine, Athalie. [...]

[...] Ce théâtre, profondément désespéré, laisse apparaître l'aspect réducteur de la vision de Ghelderode. C'est également une vision trop positive. En effet, le théâtre pour Antonin Artaud dans Le théâtre et son double, le théâtre et la peste est une crise qui se finit par la mort ou par la guérison ; or Ghelderode semble oublier tout l'aspect funeste et la violence qui peut exister au théâtre. Toujours selon Antonin Artaud tous les conflits qui dorment en nous, il nous les restituent avec leurs forces et [le théâtre] donne à ces forces des noms que nous saluons comme des symboles, et voici qu'à lieu devant nous une bataille de symboles rués les uns contre les autres dans un impossible piétinement. [...]

[...] C'est la parole qui fait le drame, Nathalie Sarraute l'a bien compris : dans Pour un oui ou pour un non, elle met en scène deux amis se disputant pour une intonation, un C'est biiien ça significatif pour l'un d'eux. Le théâtre est également lieu de la forme car écrit pour la scène ; la lecture étant après tout elle aussi un moyen de s'évader du temps. Le théâtre pose la question essentielle des origines : y avait-il la forme ou le son ? Le geste et la parole sont aussi importants l'un que l'autre, perspective que Ghelderode semble avoir omis. Celui-ci évoque également le départ de l'aujourd'hui l'actuel qui ne semble pas nécessaire à toute représentation. [...]