Reflexion sur la poésie

Résumé du document

Dans la poésie de Saint-John Perse, écrit Philippe Jaccottet (L'Entretien des Muses), « là où les choses sont immédiatement proches, et avec elles leur plénitude (l'Etre, si l'on veut), là où la densité du réel est forte, l'expression peut être non pas moins parfaite, moins exacte, mais plus simple, moins chargée de beautés visibles, de figures, d'allitérations, d'assonances, de balancements; inversement, là où la densité des figures est plus grande, on serait tenté de croire que c'est pour couvrir un vide. Ou serait-ce que l'Etre se dérobe quand on veut le saisir à ce piège-là ? ». En vous fondant sur votre expérience de la poésie, vous direz quelles réflexions vous inspirent ces lignes

Extraits

[...] Le poète part de la charge significative des mots, notamment de leurs sonorités, pour construire ensuite son poème. On retrouve là le lien essentiel entre poésie et musique. Essentiel, on l'a vu, au sens où c'est là l'origine même de la poésie. Mais essentiel, aussi, car la poésie se lie alors à la notion de virtuosité. Dans son "Art Poétique", Verlaine commande ainsi : De la musique avant toute chose Et cela, précisément, est possible, grâce au pouvoir musical des mots. [...]

[...] Par contre, le poète se concentre essentiellement sur l'énoncé d'une morale qu'il se propose d'enseigner, certes, tout en le divertissant, à son auditeur. Parmi d'innombrables exemples, on peut citer celui de "La poule aux oeufs pour sa concision : L'avarice perd tout en voulant tout gagner. / Je ne veux, pour le témoigner, / Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable, / Pondait tous les jours un oeuf d'or. / Il crut que dans son corps elle avait un trésor. [...]

[...] / Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! Et pour atteindre ce nouveau, nul autre choix pour le poète que d'opter, comme l'indique Rimbaud dans sa Lettre du Voyant, pour le dérèglement volontaire de tous les sens Dès lors, le travail de la forme est essentiel, puisque c'est par-là que va pouvoir s'affirmer cette recherche du nouveau, qui forcément ne pourra pas se borner à l'emploi habituel du langage. Un exemple ? On le trouvera, parmi une multitude d'autres, dans ces premiers vers du "Bateau ivre" : Comme je descendais des Fleuves impassibles, / Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : / Des Peaux- Rouges criards les avaient pris pour cibles, / Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs Une nouvelle technique d'écriture semble ici annoncée, et les surréalistes s'empresseront d'y voir leur concept écriture automatique Au-delà de ce qui ne se conçoit pas bien c'est alors ce qui ne se conçoit pas du tout qui est exprimé. [...]

[...] Conclusion Certes, on l'a vu, la poésie peut faire prévaloir ce qu'elle a à exprimer sur la manière dont elle l'exprime ; mais elle tend alors à nier ce qui fait son charme, sa dimension envoûtante. Celle-ci, on la retrouve bien dans cette poésie qui cherche à exprimer l'inexprimable, et qui donc a besoin de toutes les dimensions du langage pour tenter de cerner son objet. Mais là encore, la poésie manque de plénitude. Plénitude qu'elle ne semble obtenir que dès lors qu'on la renvoie à ses origines, en la concevant comme pure expression, c'est-à-dire comme une expression dont le contenu ne se forme que dans et par la langue. [...]

[...] La notion de travail stylistique est bien centrale en poésie. A ce sujet, Philippe Jaccottet estime que dans la poésie, là où les choses sont immédiatement proches, [ ] là où la densité du réel est forte, l'expression peut être [ ] plus simple, moins chargée de beautés visibles [ ] ; inversement, là où la densité des figures est plus grande, on serait tenté de croire que c'est pour couvrir un vide Le travail stylistique, disions-nous : le poète s'attache effectivement le plus souvent à doter son expression de beautés visibles, de figures, d'allitérations, d'assonances, de balancements C'est bien la question du statut du travail stylistique en poésie que pose Jaccottet : est-ce une entrave, ou non, à la clarté de l'expression du poète, et donc à sa compréhension par le lecteur ? [...]