Evoquant des notions qu'il juge périmées, Alain Robbe-Grillet écrit, dans son essai Pour un nouveau roman, paru en 1961 : « Nous en a-t-on assez parlé du « personnage » ! Et ça ne semble hélas pas près d'en finir. Cinquante années de maladie, le constat de son décès enregistré à maintes reprises par les plus sérieux essayistes, rien n'a encore réussi à la faire tomber du piédestal où l'avait placé le XIXème siècle. C'est une momie à présent, mais qui trône toujours avec la même majesté – quoique postiche - au milieu des valeurs que révère la critique traditionnelle. C'est même là qu'elle reconnaît le « vrai » romancier : il « crée des personnages »… ». En effet, depuis qu'il existe le personnage de roman tient une position privilégiée. Cependant après la déclaration d'Alain Robbe-Grillet, il semble normal de se questionner sur le véritable statut du personnage, en considérant dans un premier temps son point de vue en défaveur du personnage, puis au contraire la vision classique, qu'il apparaît peut-être de tempérer également.
[...] L'importance de celui-ci reste donc la même : en effet, cela n'est pas près d'en finir Il ne faut pas oublier que le romancier a besoin du personnage, qui est à la fois un modèle, un rôle, une fonction, un médiateur, une condition de possibilité de l'action. L'adjectif postiche est donc infondé si l'on pense que le personnage est très souvent un pilier dans l'œuvre romanesque. Il est la figure humaine qui rend possible l'action, qui permet au lecteur de visualiser, de se représenter concrètement ce que l'auteur raconte. C'est sur le personnage que l'imagination du lecteur travaille en s'en créant sa propre représentation. Le personnage, c'est aussi la seule présence humaine de l'œuvre, différent des présences animales et empiriques. [...]
[...] C'est même là qu'elle reconnaît le vrai romancier : il crée des personnages En effet, depuis qu'il existe le personnage de roman tient une position privilégiée. Cependant après la déclaration d'Alain Robbe-Grillet, il semble normal de se questionner sur le véritable statut du personnage, en considérant dans un premier temps son point de vue en défaveur du personnage, puis au contraire la vision classique, qu'il apparaît peut-être de tempérer également. La vision du personnage donnée par Alain Robbe-Grillet est en effet profondément dépréciative. [...]
[...] Le message est plus universel plus général, il ne concerne pas uniquement le personnage. C'était déjà la prétention des romanciers du Moi que de raconter l'histoire de tous par l'histoire d'un seul. François Mauriac avec Le Sagouin raconte lui aussi une histoire courte, apparemment banale, pourtant la visée est plus large, la mort symbolique du père et du fils est porteuse de sens, et ouvre la réflexion, bien loin de clôturer l'œuvre. Dans L'Amant de Marguerite Duras le nom de l'amant chinois n'est livré à aucun moment bien qu'il soit le personnage éponyme, ce qui montre que l'essentiel n'est pas là, ni dans ce qu'il est ni dans son identité, mais plutôt dans l'expérience de la jeune fille, la vision personnelle qu'elle donne de lui. [...]
[...] C'est donc ce qui touche le personnage qui intéresse le lecteur et va constituer l'intrigue elle-même. Les romanciers modernes à l'inverse s'attachent plus à la Drama, à l'action, si bien que le personnage, délaissé, fait aujourd'hui figure de momie Alain Robbe-Grillet évoque d'ailleurs, antérieurement à cet état présent de désuétude, les années de maladie et le décès constaté du personnage. Ce déclin est bien réel et même authentifié Ainsi les romans du premier XXème siècle ont tué la notion de personnage, ce qui se manifeste globalement par l'importance réduite accordée à sa vision personnelle, au profit de celle de l'auteur par exemple, ou de la Drama pure comme on l'a dit. [...]
[...] La création des personnages est donc nécessaire au roman mais suffisante. L'écriture d'un roman est donc indissociable de la création des personnages qui mettront en scène l'action décrite. Toutefois celui qui prend la plume n'a pas, à l'évidence, pour but d'inventer un être et son histoire de façon gratuite, pour le plaisir de l'imagination et de la fiction. Un personnage est plutôt la médiation entre fond et forme, sorte de mise à l'écrit de l'indicible ; de l'indescriptible, que l'écrivain peut faire se mouvoir par le biais de la liberté de mouvement totale dont dispose le personnage. [...]
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