dissertation, français, littérature, séduction, théâtre, amour, comédie
On dit d'une personne de mauvaise foi qu'elle «joue la comédie». Le théâtre est ainsi souvent
assimilé aux apparences trompeuses ; et comme il y est la plupart du temps question d'amour
(dans les comédies, précisément), on peut se demander si ce genre ne se prête pas
particulièrement à la mise en scène de la séduction. Après avoir rappelé que les séducteurs y
manifestent d'abord leur aisance à persuader, nous montrerons comment ils rapprochent ainsi
l'amour de la question de la sincérité. Enfin nous proposerons un lien entre la séduction et
l'illusion théâtrale elle-même.
[...] 2.3 La séduction et son public Pourquoi les scènes de séduction intègrent-elles si souvent un tiers personnage ? Gageons que cette présence muette représente le public lui-même, et qu 'à travers la séduction jouée entre les personnages, sur scène, s'en joue une autre, entre la pièce et lui LE ROLE DU PUBLIC Le rôle du personnage caché (fils d'Elmire / Figaro et Suzanne / Camille / Garcin / Sganarelle) n'est-il pas sur la scène dans la même position que le spectateur, hors-scène ? [...]
[...] Dans une toute autre perspective, lire ainsi la séduction de Lorenzaccio et opposer au Perdican du même Musset. Dans Cyrano de Bergerac, il y a dissociation entre amour authentique, déclaration vraie et pouvoir de séduction. Dans le théâtre cependant, beaucoup de séductions se passent de paroles (exemple de Phèdre chez Racine, qui est séduite par Hippolyte à l'insu de celui-ci) Agnès et Horace dans l'Ecole des Femmes, c'est l'idée d'une séduction qui se passe de paroles, c'est bien le cauchemar d'Arnolphe (qui croit qu'on peut maîtriser l'amour par les discours : en quelque sorte Arnolphe = la caricature d'un séducteur raté) LA SEDUCTION COMME TROMPERIE Discours à double destinatrice : Musset (ce qui est adressé à l'une est aussi, a contrario, adressé à l'autre) : le séducteur badine avec l'amour en faisant de la séduction un moyen de manipulation (double manipulation : à la fois Rosette et Camille). [...]
[...] Le succès de son entreprise, cependant, n'est pas assuré UNE RHETORIQUE : LE SEDUCTEUR EST UN EXPERT EN PAROLES. Le séducteur utilise trois moyens principaux pour séduire. L'éloge de la personne à séduire Dans Tartuffe, on remarque les hyperboles vers et l'utilisation du vocabulaire de la préciosité. Dans Dom Juan, on observe les compliments sur la beauté de Almaviva. En plus de la beauté, Perdican célèbre la pureté et l'innocence de Rosette, avec implicitement une comparaison avec Camille ( 1.41 à à 56). [...]
[...] Certains dramaturges ont d'ailleurs joué sur cet aspect : dans la dernière tirade du Songe d'une nuit d'été, par exemple, un comédien fait au public cette demande : ombres que nous sommes, si nous avons déplu, figurez-vous seulement (et tout sera réparé) que vous n'avez fait qu'un somme, pendant que ces visions vous apparaissaient. Ce thème faible et vain, qui ne contient pas plus qu'un songe, gentils spectateurs, ne le condamnez pas ; nous ferons mieux, si vous pardonnez . Façon plaisante pour Shakespeare de se protéger à l'avance contre les critiques, mais aussi indication profonde sur la façon dont nous pouvons nous laisser séduire : plutôt que nous endormir, voyons dans ce qui se joue sur scène notre propre rêve. [...]
[...] - Si vous avez lu une des pièces, n'hésitez pas à étendre la réflexion à l'ensemble de la pièce (Tartuffe : dire que la séduction échoue avec Elmire mais fonctionne avec son mari, et que cette scène se répète plus tard avec lui caché sous la table ; Figaro : dire que ce genre de stratagème caractérise en fait toute la pièce, évoquer par exemple Chérubin ; Badine : dire que cette scène répète d'autres badineries et que systématiquement l'une des deux filles est dissimulée). - Autres exemples : Dom Juan (Sganarelle séduit = imite son maître ; le père, M. Dimanche, Don Carlos séduit tour à tour ; réussite avec les paysannes mais échec avec le pauvre). Roméo et Juliette (comme contre-exemple : ici la séduction n'est pas manipulation, mais introduit la passion amoureuse). Cyrano de Bergerac (le séducteur par la beauté n'est pas le séducteur par le langage : distinction des deux caractéristiques). [...]
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