Le moment où le soleil se couche est souvent l'occasion pour le poète de décrire sa souffrance négativement en assimilant la fin du jour à la fin de son bonheur. Le Soir, moment de solitude et de recueillement, amène avec lui le souvenir du bonheur perdu et ravive la tristesse que les plaisirs avaient fait oublier. Dans ce sonnet, extrait des Fleurs du mal, Baudelaire donne une autre vision de ce moment-là, une vision plus complexe, toute en paradoxes. En effet, le poète entretient une relation paradoxale avec sa souffrance, à la fois de rejet et d'affection : l'étude de cette relation fera l'objet d'une première partie. Elle nous permettra, dans un second temps, de comprendre comment la Douleur est en réalité ce qui déclenche la poésie et élève le poète au-dessus des autres hommes.
[...] Le recueillement, l'absence des plaisirs de la chair sont une sorte d'ascèse qui permet à l'homme de se faire poète en acceptant sa Douleur pour la décrire. Celui qui souffre ne cherche pas à fuir sa douleur mais à la comprendre et à la chanter. C'est pourquoi, devenue sa Muse et sa source d'inspiration, la Douleur devient celle que le poète chérie et celle qu'il invoque. [...]
[...] Cette douleur semble en effet, l'élever au dessus du commun des mortels, le mettre en contact avec la face cachée du monde. opposition entre les autres hommes et le poète Le poète souffre et cette douleur le met à part du reste du monde, seul. Cette opposition entre le poète souffrant et le reste de l'humanité est tout d'abord marquée par ce que la venue du soir leur apporte : aux uns portant la paix, aux autres le souci Le parallélisme s'articule en antithèse autour d'une césure à l'hémistiche. [...]
[...] Elle devient comme extérieure au poète. On peut interpréter de deux façons cette mise à distance. Il peut s'agir de montrer tout ce que cette relation affective à la Douleur a de malsain, de néfaste pour celui qui souffre, car il s'éloigne du reste du monde. La Douleur est alors comme extérieure au poète parce qu'elle est là en tant que maladie et non en tant qu'élément constitutif. Mais on peut aussi continuer à analyser cette Douleur comme le seul reste d'un bonheur perdu, son antithèse et son lègue paradoxale. [...]
[...] En effet, le personnage du bourreau indique déjà l'accomplissement d'une sentence, pourtant il est de nouveau caractérisé comme sans merci (c'est-à-dire sans pitié : la sentence semble doublement sans appel. Le Plaisir devient alors, paradoxalement, un supplice : il porte un fouet et apparaît, comme on l'a vu, sous les traits d'un bourreau. Ce qui apporte le bien être, le plaisir, devient, par oxymore, une souffrance : le plaisir est nié dans son essence même. L'expression le fouet du Plaisir peut presque apparaître comme un oxymore. [...]
[...] Et pourtant, qui souffre ? Le poète. Alors qui parle vraiment à qui ? Ces impératifs sonnent cependant comme autant d'invitation à la poésie : entends le chant de la poésie, vois le monde tel qu'il est, vois le monde au prisme de la poésie. La solitude engendrée par la Douleur, le refus des plaisirs bas, entraîne l'homme souffrant sur le chemin de la poésie et fait naître une multitude d'images et de sons. On peut dès lors tenter de comprendre le refus du plaisir et la relation affective du poète à sa douleur. [...]
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