L'approche d'un texte littéraire impose une méthode et la critique littéraire, art d'analyser, et de juger un texte semble donner et appliquer cette méthode. Cependant la complexité des débats et l'abondance des courants critiques semblent montrer la difficulté de cette appréhension d'une œuvre. On peut alors se demander si le recours, l'appel aux catégories, c'est-à-dire aux ensembles qui regroupent des éléments de même nature, point essentiel de toute critique, est pertinent en critique littéraire. Permet-il de juger et d'analyser efficacement un texte ; permet-il à la critique d'atteindre l'essence du texte ? On voit ici que le problème des catégories en critique est aussi le problème de savoir ce que doit être la critique littéraire. Les catégories supposent une classification, selon des ensembles plus ou moins larges, aussi bien en-dehors du texte qu'au sein même de l'écriture, selon des caractéristiques communes, mais elles supposent aussi une conceptualisation et peut-être même alors une simplification. On peut donc dire que le recours aux catégories est pertinent en ce qu'il permet de périodiser et de classer et en cela de mieux saisir le texte dans son contexte et dans ses caractéristiques essentielles. Elles permettent peut-être aussi d'appliquer des critères à des œuvres communes et à les rapprocher, évitant ainsi une dispersion des œuvres absolue. Ce recours est également pertinent quand les catégories permettent d'analyser le texte, mais des limites et des nuances apparaissent dans ces deux cas : n'est-ce pas une simplification excessive ou ne perd-t-on pas l'essence même du texte littéraire en général par des catégories trop strictes ? A partir de là, on pourra étudier l'enjeu de la critique littéraire et voir comme celle-ci est peut-être à renouveler, tout en conservant des outils pratiques utiles.
[...] Ainsi on développe par exemple la catégorie du verset claudélien. Le verset est déjà lui-même une catégorie parmi l'écriture poétique. Le verset claudélien est une catégorie propre à Claudel, propre à son écriture. Est- ce encore vraiment une catégorie ? N'approche-t-on pas au plus près l'auteur parce qu'on utilise précisément des outils spécifiques et non pas des grilles de lecture parfois un peu arbitraires. Ainsi le verset claudélien épouse la respiration dans un vers sans rime ni mètre qui repose sur la notion de rythme. [...]
[...] On peut, dans un premier temps voir que les catégories en critique littéraire et le recours aux catégories est pertinent ici parce qu'il permet de classer les textes, dans des catégories qui sont générales et non pas des catégories qui s'appliquent au sein même du texte. Ainsi, la critique littéraire utilise des catégories en ce qui concerne la classification des périodes littéraires. On peut appeler cette catégorisation une périodisation de l'histoire littéraire. Toutes les critiques opèrent ces distinctions et ces dernières ont une pertinence. En effet, cela permet de regrouper selon des caractéristiques propres à une période des textes. [...]
[...] Ces catégories narratologiques, souvent structuralistes ont donc une pertinence certaine. De même les distinctions de la narratologie dans le temps l'histoire dans un roman par exemple, où l'on retrouve les notions d'ordre, comme dans les Illusions perdues où la dernière partie est une grande analepse qui rapporte les évènements qui se sont produits en même temps que ceux de la fin de la 2ème partie à Paris. On y retrouve également les notions de durée. C'est là aussi que les catégories sont pertinentes en ce qu'elles permettent de distinguer la vitesse du récit et de comparer ainsi l'Education Sentimentale où 16 ans sont repris en 10 lignes et Un amour de Swann où 2 ans recouvrent 200 pages. [...]
[...] Ce serait donc, non pas une limite de la catégorie, qui, en tant que telle est un outil d'analyse pertinent, mais un excès de la catégorie non littéraire qui voudrait être appliquée à un texte à tout prix. La pertinence de l'usage des catégories serait ainsi liée à la restriction de cet usage aux catégories littéraires qui ne dénaturent pas le texte. Ainsi, des lectures psychanalytiques sont faites de Hamlet, mais sans doute n'est- ce pas là l'intérêt premier du texte. [...]
[...] On peut enfin prendre pour exemple de catégories pertinentes internes au texte, de catégories non plus narratologiques ni grammaticales mais plus linguistiques, celui des figures de style regroupées à leur tour en figures de pensée ou figures de discours. Ainsi, les catégories permettent ici de regrouper les mêmes effets sous un concept qui éclaire le propos et évite les paraphrases. La critique prend ainsi une objectivité nécessaire à l'étude d'un texte. Ainsi, dans Phèdre, plutôt que de se perdre en commentaire sur le vers pompeusement parée / pour réparer des ans l'irréparable outrage on peut noter l'allitération en qui évoque l'orgueil inutile puis la paronomase entre le verbe et l'adjectif qui intensifie l'aspect implacable et pressant du temps. [...]
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