La réception de Faulkner par les écrivains français a évolué jusqu’à une remise en cause de la grandeur de l’écrivain

Thèmes abordés

Faulkner, écrivains français, écrivain du XXe siècle, remise en cause de la grandeur de l’écrivain, Sud faulknerien, Yoknapatawpha

Résumé du document

Faulkner est un écrivain du XXe siècle qui a passé la majeure partie de sa vie dans l'État du Mississippi. Marqué par la Bible, Faulkner se considère lui-même comme une sorte de Dieu créateur d'un monde dont il est le maître. Aussi son œuvre contient-elle une dimension symbolique et mythique, malgré le support géographique et historique du Sud. Cette région, recomposée par l'imagination de Faulkner, devient le Sud faulknerien ou, pour le nommer, le « Yoknapatawpha ». C'est ainsi que le désigne notamment l'un des pharmaciens dans Tandis que j'agonise.
L'influence de Faulkner sur les écrivains français a été telle qu'on a pu le considérer comme un écrivain pour écrivains. Nombreux sont ceux qui ont été subjugués par la grandeur de sa littérature. Pour Michon et Bergounioux, deux écrivains également issus de milieux ruraux, Faulkner apparaît comme le modèle du petit qui est devenu grand.

Extraits

[...] Une petite tête et un corps massif, des cheveux fournis et une moustache : en somme, un bloc saturé de réalité. Michon montre ainsi que l'écrivain, même grand, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre ; et un corps simplement humain et mortel. Cela entre en écho avec l'analyse d'un historien sur le corps du roi, à la fois immortel de l'État et mortel de l'homme. Remise en cause de la grandeur de l'écrivain Dans L'éléphant le narrateur doute de la pertinence de la catégorie de grand écrivain Il montre Faulkner lui-même riant des rois et de ceux qui ne sont pas rois Le rire mine donc la croyance en la position de supériorité que détient le grand écrivain. [...]

[...] Quelqu'un qui écrivait de et par la constellation émotive qui était à peu de choses près la mienne ; dont la phrase respirait et voulait à mon rythme ; dont le nihilisme s'échangeait en son contraire par la grâce massive de ce rythme : j'avais la clef pour mes petites histoires, elle était là, dans cet impeccable pavé, cette impeccable coulée (p.81) L'œuvre de Michon creuse une absence, celle du père, parti alors que Michon n'était encore qu'un enfant. Or, l'absence du père peut représenter une absence de repères pour se définir soi-même. Michon se tourne donc vers autrui pour se trouver. [...]

[...] Il est vrai que l'écrivain lui-même a tendance à rechercher sa mythification. Faulkner écrit en 1949 à Cowley : Mon ambition est d'être aboli, de disparaître de l'histoire en tant qu'individu ; de la laisser intacte, sans restes sinon les livres imprimés ; il y a trente ans, j'aurais dû être assez clairvoyant pour ne pas les signer, comme le firent certains élisabéthains. Mon but, et tous mes efforts y concourent, sont que la somme et l'histoire de ma vie figurent dans la même phrase qui sera tout à la fois mon acte de décès et mon épitaphe : il a fait des livres et il est mort. [...]

[...] Pour certains écrivains, Faulkner apparaît donc comme un frère dans la misère, une manière de se sentir moins seul. Un modèle Si Faulkner est vu comme un frère, c'est d'un grand-frère qu'il s'agit, un grand-frère admiré, un modèle. Et pour cause, on peut avoir l'impression que certains auteurs modèlent leur littérature à l'image de celle de Faulkner. Par exemple, Jean-Pierre Richard définit les Vies minuscules de Michon comme une autobiographie oblique et éclatée Ainsi, Michon fait une tentative d'exploration de lui-même à travers les autres. [...]

[...] L'écrivain américain est un de ceux qui, dans son écriture, a affirmé la possibilité de déranger la représentation du temps, de la bousculer, voire de mutiler le temps. Ainsi, Sartre déclare que Faulkner est allé plus loin que Proust dans sa brutalisation de la chronologie. Il s'attarde sur l'art des dialogues au ralenti et analyse les paroles des personnages comme des déclarations touffues et bégayées La langue de Faulkner, entre oralité et littérarité, est elle-même créatrice de durée. C'est donc le style de l'écrivain qui bouleverse le temps. Espace : Quant à l'espace, on peut dire qu'il est bouleversé par l'imagination. [...]