Les critiques empruntent des démarches qui se distinguent dans la théorie mais qui restent intimement liées dans la réalité de la production littéraire. Mieux, ces attitudes sont indissociables l'une de l'autre et agissent en parallèle pour la même cause. C'est ce que nous allons étudier dans deux grandes parties illustrant ce clivage qui porte en lui-même ses propres contradictions
[...] Les attaques des critiques contemporains qui mettent directement en accusation la vie des auteurs provoquent chez les poètes romantiques des réactions épidermiques et une exaspération qui alimentent leur image de poète incompris en proie aux attaques de la société. A l'intersection des divers jugements portés sur Vigny, se forme une image de l'artiste conforme au modèle stéréotypé que veulent en faire ses contemporains (ceux du cénacle par exemple). C'est en s'insurgeant contre cette image de lui-même que l'artiste dresse son propre portrait d'homme révolté et solitaire qui lui valut d'être tant apprécié et tant contesté aussi. [...]
[...] La comparaison à Racine deviendra un lieu commun de l'éloge Vignenne qui s'exprime pleinement chez Barbey d'Aurrevilly dans Les œuvres et les hommes p63-65. ne le sauve de l'oubli qu'en le condamnant à être néoclassique et en honorant sa maîtrise parfaite de la langue La destinée des destinées. Néanmoins ces raideurs d'écritures lui seront toujours reprochées par rapport à d'autres romantiques. Selon Faguet, pourtant grand admirateur du classicisme, Vigny laisse la sensation pénible du grand et de l'incomplet, ce qui lui a manqué, ce n'est certes pas l'imagination( )c'est une certaine souplesse d'imagination Les recherches génétiques de Guillemain qui étudie la genèse des textes et les états successifs du volume posthume des Destinées constituent une étape extrême de cette forme de critique stylistique. [...]
[...] Une œuvre est dés lors perçue comme le réceptacle d'intentions du poète que le critique doit élucider par une connaissance pointue et détaillée de la vie de l'artiste. Cela n'allait pas sans excéder ceux qui faisaient l'objet de ses exégèses. Vigny, dans son Journal en mai 1832 (pléiade p959) condamne les importunités des biographes et s'insurge contre les estimations de Sainte- Beuve qui selon lui connaît à peine et s'est trompé en voulant entrer dans les secrets de manière de produire Il récuse par exemple l'importance excessive que ce dernier a donné à l'influence du Cénacle dans sa production littéraire ainsi que les jugements lapidaires portés sur ses esclandres amoureux. [...]
[...] Preuve en est l'article de Brunetière dans lequel il fait référence l'article de Faguet pour prendre la défense de Vigny contre les attaques d'un autre critique. Conclusion La critique ne peut donc pas faire preuve d'universalité. L'absence de critères explicites et généralement acceptables pour analyser les oeuvres littéraires rend compte de l'ambiguité des desseins de la critique qui est par essence relative. Nous l'avons vu, tout se passe comme si la théorie critique consistait toujours à trancher entre deux options exagérément opposées: l'évaluation de l'homme-artiste ou la description analytique de l'œuvre. [...]
[...] Deux optiques caractéristiques semblent scinder les critiques sur l'œuvre poétique de Vigny rédigées par ses contemporains et par la suite. L'une s'attache à déceler dans l'œuvre des conjonctions intimes avec l'expérience existentielle de la vie de l'artiste ; l'autre, plus attachée au texte, juge, systématise les poèmes en les subordonnant à des critères esthétiques et stylistiques. Les critiques empruntent ainsi des démarches qui se distinguent dans la théorie mais qui restent intimement liées dans la réalité de la production littéraire. [...]
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