Le roman apparaît comme le genre fictionnel par excellence; or, les réalistes et naturalistes ont voulu en faire un témoignage authentique fondé sur une observation minutieuse du réel. Le recueil collectif Les soirées de Médan est considéré comme le manifeste du courant naturaliste. Zola et ses disciples s'appuient sur des théories scientifiques pour expliquer les réactions et les comportements des individus. Cette étude de la nature humaine, comme le définit Zola « Rivaliser avec la science, embraser toute la nature », préconise la reproduction exacte de la vie. Ainsi, le naturalisme se fixe comme objectifs le réalisme en « cherchant la vérité, décrivant dans la conscience humaine le jeu des passions, n'ayant plus besoin d'inventer des histoires sophistiquées » par l'objectivité et la démarche expérimentale : « Mon but a été scientifique avant tout ».
En 1867, l'école naturaliste est encore à ses balbutiements : se dessinent néanmoins les grandes lignes de ce mouvement littéraire à travers Thérèse Raquin qui exalte une « œuvre de vérité ». Pourtant, cette aspiration initiale du réalisme, qui progresse en expérimentation, acquiert une portée symbolique, se dote d'une écriture poétique, dérive vers l'art pictural et accorde une dimension théâtrale tragique. Quelle est alors la part du réalisme et de la poésie dans le roman naturaliste?
[...] Il observe avec grande minutie l'opposition des tempéraments. Le tableau final propose une véritable scène tragique. Les héros face à la mort et leur destin, les gestes dramatiques assimilées à des didascalies Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre l'éclairage scénique éclairés par des lueurs jaunâtres des clartés de la lampe poussent le lecteur à devenir un spectateur. D'ailleurs, ce dernier chapitre concentre les deux ressorts de la tragédie selon Aristote: pitié et horreur. La vision finale de Madame Raquin raide et muette contemplant le spectacle de sa vengeance en assistant à la mort châtiment des assassins de son fils, rappelle la statue du Commandeur dans Dom Juan. [...]
[...] L'allégorie cuisante du remords, la morsure se ravivant aux moments cruciaux juste avant la nuit de noce- établit une relation étroite avec la psychologie. En fait, Zola place des personnages vraisemblables dans un système et les laisse en interaction. Puis, le savant se range dans l'observation, en admettant son rôle de témoin. Mais, derrière les souffrances physiques, transparaissent les douleurs morales. Finalement, Zola étudie la physiologie en fonction de la psychologie et non pas comme il le prétendait la physiologie des tempéraments qui tend à l'emporter sur la psychologie des caractères. Cette œuvre se substitue alors à une psychanalyse. [...]
[...] Les héros sont tragiques. L'étouffement de Thérèse, entre une mère dévoreuse et un mari valétudinaire, dans un milieu malsain, éclate par un déclencheur: Laurent et ses adjuvants, les invités du jeudi notamment. Madame Raquin est le moteur immobile de cette tragédie. Le ton pathétique devient tragique, les personnages sont enchaînés à un destin arrêté, tout converge vers le dénouement. Thérèse et Laurent sont attirés l'un par l'autre avec une force irrésistible qui les pousse à s'accoupler bestialement liaison nécessaire, fatale, toute naturelle rien n'est laissé au hasard. [...]
[...] On sentait que les bras ne tenaient plus, les clavicules perçaient la peau des épaules. Le flanc gauche, crevé et ouvert, se creusait au milieu de lambeaux d'un rouge sombre De plus, les personnages fouillés sont déterminés par leur milieu. L'hérédité métissée et africaine de Thérèse conditionne sa nature passionnée et sensuelle des élans amoureux au déséquilibre nerveux jusqu'à la révélation de sa véritable personnalité Elle s'éveillait comme d'un songe, elle naissait à la passion De même, Laurent garde le sens grossier paysan: sa vie oisive dans le quartier du Pont aux vins le prédispose à satisfaire à tout prix ses habitudes de paresseux, ses sens et son désir d'une existence facile Tout semblait inconscient dans cette florissante nature de brute. [...]
[...] De même, l'incipit propose un caveau par les mesures étroites et rectangulaires; cette image récurrente du sarcophage aboutit au cercueil de la morgue Des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids du caveau [ ] pleine de ténèbres, sont autant de trous lugubres En parallèle, l'excipit offre l'image de l'éclair comme le symbole de la naissance de l'âme et de l'humanisation dans la mort tandis que la supériorité de la paralysée évoque un juge suprême. L'œil de la conscience est assimilé au Créateur juge des âmes humaines alors que les flammes placent les assassins damnés en enfer. [...]
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