André Breton s'approprie la figure mythique de la fée Mélusine dans Arcane 17, un roman qui se veut composite, puisque à mi-chemin entre l'autobiographie et la mythologie. Jean Ray quant à lui, met en scène Euryale, une déesse antique aux pouvoirs funestes, dans son oeuvre fantastique Malpertuis. Ces deux oeuvres appartiennent à des genres littéraires sensiblement différents, et le mode d'appropriation des deux figures féminines mythologiques choisies par les auteurs, n'en n'est pas moins dissemblable (...)
[...] C'est l'avatar d'une divinité celtique ou gauloise à double nature puisqu'elle est à la fois femme et serpente. La richesse du personnage de Mélusine réside dans cette même ambiguïté : simultanément fée et femme, humaine et serpente, chrétienne et diabolique, mère et amante, bâtisseuse et destructrice, bénéfique et maléfique . En effet, on ne peut nourrir aucun doute en ce qui concerne la nature féerique de Mélusine, sa mère Présine étant elle-même une fée dotée de pouvoir magique. Cependant, elle se trouve à mi-chemin entre l'humanité et le surnaturel, et semble avoir besoin de la participation de l'homme pour pouvoir exister réellement et agir dans le monde des humains. [...]
[...] La confrontation entre la femme et l'homme se présente alors plus comme une opposition de l'élément rédempteur et salvateur contre l'élément délictueux et l'inexactitude, que comme une opposition des deux sexes. André Breton a donc recours au mythe de Mélusine pour faire appel à l'image d'une femme qui bannit les terreurs en redonnant vie à l'univers entier. Afin de parfaire notre étude, il semble maintenant intéressant de se pencher sur le mythe d'Euryale. Elle s'affiche aux côtés de ses sœurs Sthéno et Méduse comme étant une des trois Gorgones. [...]
[...] Les éléments mythiques viennent donc transfigurer les éléments biographiques. Ainsi, il se détache du mythe pour ne garder que l'aspect positif de Mélusine, disculpant toute sa culpabilité, puisque le seul fautif est l'homme, en la personne de Raimondin dans la légende. L'homme est le seul à pouvoir libérer la femme de cette emprise masculine qu'elle subit malgré elle et qui l'empêche de faire profiter le monde de toutes ses richesses, et par se biais de sauver l'humanité. Mélusine est la femme qui unit en elle-même toutes les femmes, seuls éléments salvateurs. [...]
[...] Elle est l'image de la libération de l'humanité par l'essence féminine. C'est par elle, et donc par la femme, que le monde sera sauvé : je ne vois qu'elle qui puisse rédimer cette époque sauvage. (Page 60). Cependant, une chose lui fait obstacle dans l'accomplissement de cette tâche : l'homme. On retrouve ici l'enjeu de société matriarcal/patriarcal propre au mythe mélusien, puisque l'écrivain oppose Mélusine, symbole de la femme, aux hommes. Celle-ci prend le pas sur le masculin, et condense en elle-même toutes les luttes contre l'ordre établi. [...]
[...] Bien qu'il n'ait pas mentionné explicitement que cette déesse redoutable est animée de sentiments amoureux pour le jeune homme, il paraît clair qu'il en est ainsi. Elle nous apparaît alors sous un autre visage : celui de la femme amoureuse. De plus, il semble que le malheur puisse l'atteindre, comme en témoigne le cambrioleur à la fin du roman : les yeux perdaient leur férocité viridine et je vis qu'ils pleuraient de grosses larmes de clair de lune. (Page 257). Cette image éclaircit le portrait sombre que nous venons de dresser. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture