« Ils ôtent de l'histoire de Socrate qu'il ait dansé ! » disait La Bruyère des esprits bornés. Ils l'ôtent aussi de celle de Voltaire ! Ce dernier est l'un des auteurs les plus mal jugés de la littérature française, en grande partie parce que nous le connaissons mal. Qu'entendons-nous ici et là ? « Voltaire est illisible ... sa poésie : indigeste ... ses contes : pseudo philosophiques ... ». mais que lisons-nous de lui ? Un ou deux de ces contes « philosophiques », quelques articles de son Dictionnaire philosophique et un extrait du Traité sur la tolérance ... et notre avis peut tomber, péremptoire. Il n'y aurait rien d'autre à lire. Voilà comment l'on se retrouve à juger de l'oeuvre immense – en qualité comme en diversité – d'un auteur par la lecture d'une infime quantité de ce qu'il composa. Pourtant s'il est un homme dont on peut dire qu'il rassasia l'appétit littéraire de ses contemporains c'est bien François Marie Arouet.
[...] Le Traité sur la tolérance, oeuvre postérieure, viendra porter aux nues cette valeur et prouver combien elle était chère à Voltaire. La tolérance doit s'exercer dans de nombreux domaines, à commencer par le domaine religieux. Dans la lettre 4 sur les Quakers Voltaire nous rapporte l'histoire de Guillaume Penn, jeune quaker immigré aux Etats-unis et ayant fondé la Pennsylvanie. La lettre se termine par un éloge de la tolérance à travers celui des lois de G. Penn qui faisaient regarder comme frère chaque homme qui croit en Dieu Voltaire est déiste, voire théiste, nous dit-on. [...]
[...] Il ne faut pas rassasier son lecteur mais irriter son appétit (Diderot) Dans quelle mesure cette assertion éclaire-t-elle votre lecture des Lettres philosophiques de Voltaire ? Ils ôtent de l'histoire de Socrate qu'il ait dansé ! disait La Bruyère des esprits bornés. Ils l'ôtent aussi de celle de Voltaire ! Ce dernier est l'un des auteurs les plus mal jugés de la littérature française, en grande partie parce que nous le connaissons mal. Qu'entendons- nous ici et là ? Voltaire est illisible . [...]
[...] Dans la forme même choisie pour l'ouvrage on retrouve l'esthétique de la conversation. La correspondance par lettres est une conversation à distance et, des lettres fictives aux lettres réelles le passage est parfois difficile à surprendre. Après tout Voltaire ne demanda-t-il pas à Thieriot de témoigner qu'il le lui avait vraiment envoyées . ? La gaîté même de Voltaire suppose un interlocuteur pour sourire. Le recours aux anecdotes également, elles participent d'une prestidigitation intellectuelle qui entraîne le lecteur, et répondant à une rhétorique de l'écart significatif qui fait passer en un instant l'esprit du lecteur du fait particulier au fait général. [...]
[...] Si l'auteur passe par une comparaison qui semble privilégier l'Angleterre c'est parce que cette forme d'étude comparée fait beau jeu au déploiement de son ironie. Voltaire n'a en aucun cas à coeur de défendre la religion anglicane et ses ministres, pas plus que les Quakers dont il ne faut rien attendre du fait de leur enthousiasme (lettre 1). La seule religion qui trouve grâce à ses yeux à demi-mot est celle des sociniens, ou ariens, ou antitrinitaires (lettre qui est sans révélation et sans clergé. [...]
[...] S'il ne tombe justement pas dans un vain pédantisme c'est qu'il défend le naturel dans l'expression. Pour Voltaire, la qualité par excellence de ce qui est littéraire est la clarté. Ce qu'il passa sa vie à condamner c'est le galimatias ; à la lettre 2 il évoque un quaker inspiré qui débita moitié par la bouche, moitié par le nez, un galimatias tiré de l'Evangile, à ce qu'il croyait, et que ni lui ni personne n'entendait Le bon écrivain sera celui qui sera capable de rendre claires les connaissances jusque-là réservées à une élite de spécialistes. [...]
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