En 1945, avec la création de la revue Les Temps modernes, Jean-Paul Sartre a répandu le goût des témoignages à tendances sociales sur les problèmes de son époque, il a resserré les liens avec la vie et il a prôné une littérature engagée, parfois au détriment de l'élaboration esthétique. C'est pourquoi il a été attaqué pour son engagement qu'il a modulé selon les genres littéraires. Dès 1947, dans Situation de l'écrivain, il répond aux critiques qui l'accusaient d'être « antipoétique » ou « contre la poésie » et il affirme que « l'homme est tout un et qu'on ne le divise pas en politique et en poète » et, dans le même temps, il a déclaré « hautement, au contraire, que le surréalisme est le seul mouvement poétique de la première moitié du XXe siècle ». C'est en 1948 qu'il annonce explicitement qu'il ne voulait pas engager la poésie parce qu'elle ne sert pas des mots de la même manière que la prose, ou plutôt qu'elle « ne s'en sert pas du tout ». Avec cette affirmation, Sartre a dit l'essence de « l'attitude poétique » qui transforme le langage en « structure du monde extérieur ». Ainsi, pour éclairer son point de vue, il affirme que « les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage (…)
[...] Pour expliciter son opinion, Sartre rappelle que Florence est ville fleur et femme, elle est ville-fleur et ville femme et fille-fleur tout à la fois Ces expressions signifient que les mots renvoient au poète sa propre image relevant de la phénoménologie de la perception, car cet objet protéiforme apparaît simultanément avec l'aspect d'un fleuve et sous les traits charmants de la femme aimée. De même, le poète ne nomme pas le monde, mais il le représente. Et la représentation qu'il en donne dépend seulement de l'univers de la poésie qui est, au jugement de Valéry, l'état psychique et affectif dans lequel le langage peut remplir un rôle tout autre que celui de signifier ce qui est. L'Invention esthétique, Œuvres I). C'est-à-dire que la création poétique s'attache à la conservation de la forme au détriment de la signification. [...]
[...] 1947) A la première lecture, on peut remarquer deux termes clés mis en caractères italiques; le verbe utiliser et le substantif réalité Une telle mise en évidence est très révélatrice pour l'analyse, car le choix de l'attitude poétique selon Sartre, interdit d'utiliser le langage L'affirmation semble paradoxale. Les expressions utiliser choses et langage-instrument sont d'ordre technique et instrumental, leur emploi par rapport à l'attitude poétique paraît particulier, voire étonnant. Que sont les poètes ? Sont-ils des techniciens du langage ? Sarte nous fournit la réponse: les poètes refusent le langage-instrument car ils ne considèrent pas les mots comme des signes qui lui permettent de découvrir la vérité. [...]
[...] À travers cela, le poète démontre que la poésie doit donner des valeurs équivalentes aux significations, aux sonorités, aux physionomies, même des mots devenus des choses En conclusion, ces remarques sur l'attitude poétique s'imposent comme l'étape préliminaire à une réflexion sur la finalité de l'œuvre poétique. Même si les poètes n'ont pas pour objectif de discerner le vrai ni à l'exposer ils représentent d'une façon ou d'une autre le monde extérieur, dans lequel ils se meuvent, ou leur monde intérieur, qui reflète leur sentiment et leur émotion les plus intimes. [...]
[...] Cette approche du langage est intéressante, car elle révèle l'expérience individuelle des poètes. En dernier lieu, la création poétique privilégie plutôt le travail sur la forme que celui sur la signification. A titre d'exemple, on peut citer la théorie de l'art pour l'art et le Parnasse. Commençons par l'art pour l'art c'est une conception qui consiste à se détacher de toute forme d'exigence afin d'atteindre une certaine forme d'autonomie. On peut citer Théophile Gautier, l'un des poètes qui manifestent un regard ironique envers l'orientation romantique et qui se veut antiromantique. [...]
[...] Dans ses Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, l'abbé Jean-Baptiste Dubos affirme que Le langage poétique est ce qui fait le poète et non la mesure et la rime avant d'ajouter : . ] la partie la plus importante et la plus difficile de la poésie , consiste à trouver des images qui peignent ce beau dont on veut parler; à être maître des expressions propres qui donnent une consistance sensible aux idées (cité par David Fontaine, La Poétique, 1993) à travers le substantif image il entendait conjuguer la mimésis de la peinture et la représentation suggérée par les mots. [...]
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