« Chacun a son maître » affirme le Neveu de Rameau dans l'œuvre éponyme de Diderot. En effet, le XVIII siècle est marqué par une forte domesticité dans les maisons aisées. C'est cette caractéristique sociale qui est mise en scène dans Jacques le fataliste à travers le couple maître/valet que l'on voit évoluer tout au long de l'œuvre. Ce couple bien connu dans la littérature, n'échappe donc pas à la plume de Diderot. Cependant, ce dernier nous propose-t-il une relecture classique de Don Quichotte, Don Juan et de toutes les œuvres mettant en scène la servitude ou nous présente-t-il une nouvelle approche de cette relation servile ? Ce couple est-il vraiment caractéristique de la relation maître valet ou est-ce une parodie de ces deux figures que l'on croit bien connaître ? Mais au –delà de la mise en scène de cette relation particulière peut-on lire à travers ce couple, une représentation spéculaire du lien qui unit le narrateur à son lecteur ? Cette ligne de force serait-elle génératrice d'ordre ? Nous essaierons donc de répondre à toutes ces questions afin de mettre en évidence l'importance du lien maître valet au sein de l'œuvre.
[...] Cependant, face au reste de la société, le maître ne peut se permettre de perdre ainsi la face et doit mettre en avant sa supériorité, ce qu'il tentera de faire face à l'hôtesse de l'auberge en essayant d'imposer sa volonté à son valet. Or, face à un individu proche de sa condition et qui est lui respecté, Jacques ne peut supporter de se sentir soumis. C'est pourquoi, il se révolte, entre en pleine Jacquerie et tente de s'affirmer. Il faut d'ailleurs voir qu'il ne descendra de sa chaise que sous l'injonction de l'hôtesse qui est son égale sociale, puisqu'elle aussi est condamnée à servir autrui. [...]
[...] Je vois, lecteur, que cela vous fâche ; et bien, reprenez son récit où il l'a laissé et continuez-le à votre fantaisie. C'est encore le cas à l'auberge : La voilà remontée, et je vous préviens lecteur, qu'il n'est plus en mon pouvoir de la renvoyer. _ Pourquoi donc ? _ C'est qu'elle se présente avec deux bouteilles de champagne, une dans chaque main, et qu'il est écrit là-haut que tout orateur qui s'adressera à Jacques avec cet exorde s'en fera nécessairement écouter. [...]
[...] Or il semble que Jacques et son maître rompt avec la tradition, le cliché des couples. En effet, la domination maître/serviteur semble s'effacer au profit d'une relation d'homme à homme, presque une relation d'amitié. C. Une relecture du couple traditionnel ou une égalité dans la relation Une rupture avec le cliché Si souvent les maîtres sont courageux et les valets toujours poltrons, Diderot ne brosse pas le même portrait du maître. En effet, dans Jacques le fataliste, les qualités traditionnelles du maître et du valet sont modifiées. [...]
[...] Le maître se trouve souvent réduit à obéir à son valet et à subir ses moqueries. Cependant, il demeure parfaitement lucide sur sa situation et admet que les rôles tendent à s'inverser : (P234-235) : le marquis des Arcis : vous avez là un serviteur qui n'est pas ordinaire. Le maître _Un serviteur !vous avez bien de la bonté, c'est moi qui suit le sien ; et peu s'en est fallu que ce matin, pas plus tard il ne me l'ait prouvé en formes. [...]
[...] On constate en effet, que le vieil adage des Lumières qui affirme que la parole est le pouvoir, illustre à merveille l'influence de l'acte oratoire dans notre roman. En effet, dans la relation maître valet, le maître semble aussi dépendant des paroles de Jacques qu'il ne l'est de sa montre ou de sa tabatière. A chaque fois que Jacques entreprend un récit, il est en position de force par rapport à son maître, qui, même s'il peut toujours l'interrompre, demeure dépendant de sa bonne volonté pour assouvir sa curiosité. [...]
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