En 1912, dans un ouvrage intitulé L'art de lire, l'écrivain et critique littéraire français Emile Faguet consacre un chapitre aux pièces de théâtre où il s'intéresse notamment à la Phèdre de Racine. Il y souligne l'importance de la parole qui bien plus que les didascalies, d'ailleurs quasiment inexistantes, donne des informations sur les personnages : "toutes les paroles de Phèdre [sont] des descriptions de sa personne, de ses attitudes et de ses gestes. L'auteur, en effet, en pleine possession non seulement de son génie, mais de son expérience théâtrale, aurait voulu forcer l'actrice, même de trois siècles après lui, à jouer comme il l'entendait et non pas à son gré à elle". Les paroles de Phèdre, que ce soit dans l'oeuvre de Racine ou dans celle de Sénèque, ne peuvent cependant se limiter à des indications d'ordre scénique.
Dans quelle mesure peut-on dire que le désir est consommé symboliquement par les gestes et la parole de Phèdre chez Racine et Sénèque ? Phèdre parvient-elle à assouvir ses envies ? Si tel est le cas, comment Phèdre s'y prend-t-elle quand l'amour même devrait se faire à deux ?
(...) Hippolyte, lors d'une conversation avec la Nourrice qui se déroule à la scène 2 de l'acte II, confirme son aversion pour les femmes qu'il exècre toutes hormis deux d'entre elle : sa défunte mère et Diane, la seule déesse à qui il rend un culte. C'est pourquoi Phèdre, qui veut être aimée d'Hippolyte, choisit un tel costume. Ce troc de vêtements est un premier rapprochement rêvé avec Hippolyte. Cependant, cette approche semble être platonique, ce qui ne peut satisfaire Phèdre. C'est pourquoi dans un deuxième rapprochement, Phèdre implique l'idée d'une sexualité.
L'aveu de Phèdre à Hippolyte, que ce soit dans la pièce de Sénèque ou dans celle de Racine, peut être divisé en deux mouvements, le premier consistant en un aveu indirect et le deuxième en un aveu direct (...)
[...] Cependant, l'indignation du jeune homme ne suffit pas à arrêter le pouvoir de l'Eros qui stimule l'imagination de Phèdre. De par ses paroles et ses gestes, Phèdre accomplit son désir même si ce n'est que symboliquement. Ce désir est aussi marqué par la volonté de Phèdre de rendre son union éternelle comme en témoigne la scène finale de la Phèdre de Sénèque. La parole et les gestes ont pour principe d'être irréversibles, c'est un fait. Mais en associant ses paroles et gestes à la mort, Phèdre les ancre dans l'infini. [...]
[...] Ainsi, la Phèdre de Sénèque annonce : j'aime le visage de Thésée, je l'aime tel qu'il était jadis Et à la Phèdre de Racine de le confirmer en qualifiant Thésée de jeune C'est cette jeunesse même associée au lien de parenté qui permet à Phèdre de glisser d'un homme à l'autre. De fait, Hippolyte devient. Phèdre, en effet, se complait à imaginer Hippolyte à la place de Thésée dans des aventures passées telles que la descente au labyrinthe. Hippolyte, en épousant la figure de Thésée, devient le mari de Phèdre. [...]
[...] Phèdre devient l'Amazone, la chasseresse. Ainsi, elle s'assimile non seulement à Antiope mais aussi à Diane qui est la déesse de la chasse. Nous pouvons dès lors nous demander pourquoi Phèdre choisit d'incarner ces deux figures féminines. Hippolyte, lors d'une conversation avec la Nourrice qui se déroule à la scène 2 de l'acte II, confirme son aversion pour les femmes qu'il exècre toutes hormis deux d'entre elle : sa défunte mère et Diane, la seule déesse à qui il rend un culte. [...]
[...] Dans quelle mesure peut-on dire que le désir est consommé symboliquement par les gestes et la parole de Phèdre chez Racine et Sénèque ? Phèdre parvient-elle à assouvir ses envies? Si tel est le cas, comment Phèdre s'y prend-t-elle quand l'amour même devrait se faire à deux ? Nous nous immergerons tout d'abord dans les fantasmes de Phèdre puis nous étudierons la provocation et l'érotisme dont fait preuve Phèdre. Phèdre, par ses fantasmes, se satisfait à des rapprochements avec Hippolyte mais de manière indirecte et détournée. [...]
[...] Chez Racine, c'est Phèdre elle-même qui supplie Hippolyte de dégainer l'épée et de porter le coup fatal à même son cœur. En montrant son cœur, nous pouvons imaginer que Phèdre se dévêtit, dévoilant ainsi impudiquement sa poitrine. Hippolyte, nous le savons, ne met pas fin aux jours de Phèdre et dans les deux œuvres, il expie avant elle, ce qui n'empêche pas Phèdre d'assouvir son désir dans la pièce de Sénèque. Chez Racine, Phèdre se suicide par empoisonnement en avouant à Thésée son incestueuse passion pour Hippolyte. [...]
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