“La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable.” Cette citation de Charles Baudelaire, dans Écrits esthétiques (1863) démontre le double mouvement qu'impliquent les notions d'art et de modernité. L'art est composé à la fois d'un sens en perpétuelle évolution et d'une part constante. Soit les arts anticipent un mouvement plus général, soit ils cristallisent des changements qui les ont précédés. La définition de modernité est ancrée dans le temps. Au IIe siècle, un juriste romain l'utilise dans le sens de maintenant, il lui fait perdre le caractère d'urgence du sens classique. Est moderne ce qui appartient au moment présent, celui qui tient ce discours et ce dont il parle. La modernité va très vite se définir comme quelque chose qui résume une époque par rapport à une époque antérieure. Ce qui est moderne est toujours différent de ce qu'il y avait avant, il y a une volonté de se démarquer par rapport à une antériorité. La modernité est à la fois un instantané d'une époque et un discours critique de rupture par rapport à une époque antérieure.
[...] Les définitions de la modernité de ces trois auteurs peuvent cependant sembler contrariantes. Dans Great Expectations, Dickens décrit aussi le changement de mobilier, il lit dans les tapis l'identité des personnages. Baudelaire va affirmer que la modernité est aussi composée du bizarre et de la caricature, on la définit par la rupture et par le trait caricatural. Baudelaire démontrera ceci en s'intéressant aux peintures de Constantin Guys. Edgar Poe et Charles Baudelaire vont ensemble fonder la figure de l'homme moderne dans les villes. [...]
[...] A partir de 1849, Baudelaire va se concentrer sur l'analyse et la traduction de l'œuvre de Poe. Ce dernier travaille à la fois dans l'imaginaire et dans la minutie scientifique de l'écriture. Il associe u univers de la fiction et une représentation concrète, tangible et rigoureuse du réel. Il découvrira aussi la puissance de la caricature chez Poe, ainsi que la satire et la parodie, l'auteur transforme le monde en une vaste farce. Pour Baudelaire, Poe est l'antidote à la société moderne. [...]
[...] Avec Baudelaire, ils forment un mouvement post-romantique et se positionnent contre le réalisme. Les Fleurs du Mal est un recueil symboliste, l'auteur déteste le matérialisme, qui lui semble être le contrainte à laquelle sont conduits les hommes modernes. Cette notion de l'implicite sera aussi présente chez Dickens et Baudelaire, la littérature ne se fait pas avec l'explicite, l'art doit se deviner sous le texte. Poe se servira aussi de sa correspondance avec Dickens pour écrire La philosophie de l'ameublement (1840), qui va utiliser la métaphore de l'ameublement pour démontrer la manière de composer un texte. [...]
[...] Baudelaire va élaborer sa théorie de la modernité par ces contraires, et va en faire une figure paradigmatique de la modernité. Il va aussi lier la figure du dandy à la modernité. L'homme moderne ne peut pas échapper à la vue, la société est observable en tout temps et en tout lieu. Le flâneur est une figure de sur-voyant, il peut tout saisir, car il peut tout voir, il voit les apparences et au-delà des apparences. Baudelaire définit la modernité comme le visuel, il va donc faire converger les deux notions, notamment avec la peinture. [...]
[...] Les trois écrivains, malgré leur rôle essentiel dans la formation de la notion de modernité, sont assez critiques envers cette dernière. La modernité a des aspects trop communs, comme le montre La philosophie de l'ameublement, où Poe se moque de goût “non-aristocratique” des Américains. Il y a un dédain pour la démocratisation de la culture et l'industrialisation présentes dans leurs œuvres. La modernité définie dans la première partie n'est pas forcément celle qui existe à l'époque. Pour beaucoup, ce sont justement les aspects de démocratisation et d'industrialisation qui caractérise la société moderne. [...]
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