Contrairement aux idées reçues, le roman ne suit pas directement l'épopée. En effet, le genre romanesque est apparu bien avant l'Antiquité en Chine. En Europe, le genre est lancé avec le roman antique (surtout le roman grec) au Ier siècle avant Jésus-Christ. Si le roman ne se présente pas comme évolution directe du genre épique, il en a cependant quelques héritages. La question que nous nous posons n'est pas de l'ordre de cet héritage mais de savoir en quoi le roman se détache-t-il de la tradition épique ? C'est-à-dire comment le roman s'est-il inspiré de la tradition épique, en a-t-il repris les codes et les a dépassés, devenant un nouveau genre et non pas une variante de la tradition épique ? En quoi le roman est-t-il une rupture par rapport à la tradition épique ? Ce qui détache d'abord le roman de l'épopée est qu'il correspond à un contexte différent, viennent ensuite les digressions significatives aux niveaux de la forme et du fond. Nous devons préciser que cette étude sera basée en grande partie sur les travaux de Mikhaïl Bakhtine, théoricien russe de la littérature, dans son Esthétique et théorie du roman, qui fait autorité en la matière, l'édition de référence est tel Gallimard.
[...] De nos jours encore le roman connaît de nombreuses innovations et renouvellement ; l'épopée quant à elle est morte. Sans doute parce qu'alors que l'épopée était tournée vers le passé, le roman se tourne vers l'avenir, comme nous l'avons dit un peu plus haut. Après avoir étudié les contextes et les formes différentes de l'épopée et du roman, nous allons étudier leur dernier critère majeur, que nous avons déjà largement amorcé : le fond, le contenu, la substantifique mœlle (Rabelais). [...]
[...] Les épopées sont dominées par le divin, mais c'est également le cas dans les premiers romans antiques, où les divinités sont moins nombreuses (Eros et la fortune, dans le Roman de la rose on trouve des allégories : Amour, Nature les romans le faisant trop intervenir seront classés fantastiques, surnaturels de nos jours. Les personnages des épopées ne sont donc pas dotés d'une psychologie précise, ce sont des stéréotypes (Propp a étudié le schéma des personnages épiques : agresseur, donateur, auxiliaire ) ; les épopées sont une transcription de multiples récits et mythes. [...]
[...] Le roman est moins codifié : comme il n'est pas destiné à être appris, il n'est pas forcement en vers (Homère n'écrit qu'en hexamètre dactylique, la chanson de geste est écrite en décasyllabe ou octosyllabe) ; l'épopée a un caractère formulaire pour la mémorisation, des épisodes narratifs prédéfinis (les scènes d'ambassade, duels, planctos le style est hyperbolique esthétique de l'exagération (de par sa fonction panégyrique, parfois même dithyrambique), énumératif. Le roman se revendique beaucoup plus libre, et se moque de ces contraintes. [...]
[...] Pour Bakhtine, le chronotope romanesque est plus concret, on a un rapport avec le présent qui est beaucoup plus proche, sûrement une influence de l'historiographie. Zumthor, dans son Essai de poétique médiévale voyait dans le roman et l'historiographie des produits communs un désir de tirer parti du passé au lieu de le répéter, la mémoire collective commence à se tourner vers l'avenir, à se découvrir annonce et promesse à chercher la vérité dans la littérature. L'association de la véracité au roman vient en parti du fait qu'avant le XIIIème siècle, la prose était surtout employée pour les textes juridiques : on conféra donc à tout texte en prose une valeur véridique. [...]
[...] Le genre disparaît pendant une grande partie du Moyen Age. L'épopée réapparaît avec la chanson de geste au premier millénaire après Jésus-Christ (La Chanson de Roland, La Légende des Nibelungen L'épopée meurt au XIVème siècle, sa seule postérité sera des réécritures, souvent parodiques, comme le Roland Furieux d'Arioste. Première forme narrative, l'épopée est codifiée par la Poétique d'Aristote (au quatrième siècle avant Jésus-Christ), alors que le roman, apparu au Ier siècle avant Jésus Christ ne sera codifié que beaucoup plus tard. [...]
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