Dans le roman, le thème de l'amour occupe une place essentielle. Il représente en effet une relation primordiale, forte et variable entre hommes et femmes : primordiale du fait que l'amour est vraiment un lien sentimental de base entre les êtres humains et qu'il permet la perpétuation de l'espèce ; forte, parce qu'il met en jeu des émotions violentes parfois contradictoires ; et variable, car l'amour évolue en même temps que les hommes qui l'éprouvent et est ainsi profondément empreint de la société dans laquelle il se développe. En effet, les normes sociales (les tabous, la famille, la codification de la séduction etc.), l'influence possible de philosophies, de la religion, ou encore le mode de vie des individus, portent à la fois la marque d'une société et influencent les comportements et les relations homme-femme.
Or, comme l'écrivait Stendhal dans le Rouge et le Noir, « un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l'azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. » Le roman est donc un miroir de la société, et le romancier, par la représentation qu'il choisit de nous faire de l'amour (thème majeur du roman), porte un certain regard qu'il porte sur l'homme et la société. Nous nous proposons donc d'établir en quoi sa représentation est révélatrice de ce regard, en observant les différentes représentations que le roman lui a données au cours de son évolution.
[...] La société se cherche, et le roman le montre bien. Le Nouveau Roman (1950-1970), qui remet en question toutes les normes romanesques, donne lui aussi sa vision de l'amour. Nathalie Sarraute, dans Le Planétarium (1959), étudie de près la psychologie des personnages (Alain et Gisèle Guimiez), les mouvements intérieurs de l'être qui se dissimulent et affleurent derrière les paroles et montre les difficultés conjugales qu'ils rencontrent. À travers leur vie quotidienne se devine la société de consommation qui commence à voir le jour. [...]
[...] Le XIXe siècle voit apparaître le Réalisme et le Naturalisme (1850- 1890). Avec ces deux mouvements presque semblables, l'idéalisation de l'amour vole en éclats : les artistes réalistes tranchent nettement avec l'enseignement de l'Académie et refusent toute espèce d'idéalisme mensonger, qui donne de la réalité humaine et sociale une vision aseptisée, à la fois incomplète et fausse. Des romans tels que le Rouge et le Noir (1830), de Stendhal, le Colonel Chabert (1835), de Balzac, Madame Bovary (1857) de Flaubert ou encore Bel Ami de Maupassant (1885), nous livrent une vision réelle en un sens de l'amour et des relations amoureuses : elle n'est pas enjolivée, l'amour est pris tel qu'il existe dans la vie, avec son lot de désillusions ou de bassesses. [...]
[...] La femme est identifiée comme une proie à entreprendre qui finit plus ou moins rapidement par céder devant son chasseur Ainsi, dans les Liaisons dangereuses, l'amour sert uniquement à l'assouvissement des désirs ou de la vengeance pour Valmont et Mme de Mertreuil. Ils se livrent à un véritable code du mal pour conquérir Mme de Tourvel. Et l'on retrouve bien souvent, prodiguée par un libertin, une initiation au sexuel, au cynisme, au comportement à adopter en société, destinée à celui ou celle qui devra lui succéder dans ses préceptes. [...]
[...] Conclusion Depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours, et même jusque dans l'avenir avec l'anticipation, la représentation de l'amour dans le roman change en suivant les évolutions de la société dans laquelle elle s'insère. Le regard du romancier sur l'homme et le monde s'y dévoile, puisque cette représentation est toujours, volontairement ou involontairement, marquée par les idées, les sentiments, la vie de son auteur. Le miroir de la société qu'est le roman se fait ici mémorialiste de l'amour, alternant des phases plutôt optimistes et idéalistes, plus particulièrement du XIIe à la première moitié du XIXe siècle, et d'autres plus réalistes et quelque peu teintées de pessimisme (majoritairement du XVIIIe à nos jours), au gré de l'époque évoquée et des événements forts qui l'ont marquée, des courants de pensée, ou des buts que se sont fixés les auteurs. [...]
[...] La société de l'époque se reconnaît aisément dans ce roman et cet amour. Les courants préromantique et sensualiste (doctrine selon laquelle toutes les connaissances viennent des sensations ; 1750-1799), représentés entre autres par Jean-Jacques Rousseau (Julie ou la Nouvelle Héloïse, 1757) et Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie, 1788) conservent un aspect philosophique et moral : La Nouvelle Héloïse montre une passion irrésistible, mais malheureuse entre deux personnages séduisants et vertueux : Julie d'Etanges et son précepteur Saint-Preux. Malheureuse, car Julie ne peut se mésallier et épouse M. [...]
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