Pascal Quignard, genre romanesque, roman, conscience humaine, objet littéraire, auteur, définition du roman, romancier, récit
Peut-on comprendre qu'à un intervieweur qui lui demande s'il peut fournir une définition du genre romanesque, Pascal Quignard réponde : « Non, sinon qu'il est l'autre de tous les genres, l'autre de la définition. Par rapport aux genres et à ce qui généralise, il est ce qui dégénère et dégénéralise. Là où il y a un toujours, mettez un parfois, là où il y a un tous, mettez un quelques, et vous commencez d'approcher le roman » (Quignard, 1989). Dans les quelques pages qui vont suivre, nous nous efforcerons d'appliquer ses conseils et, dans la description que nous allons tenter de faire de notre approche du genre romanesque, de mettre des « quelques » et des « parfois ».
[...] Nous ne pouvons donc conclure qu'un roman n'est que la somme des procédés techniques par lesquels il se crée. Cela reviendrait d'ailleurs à repousser le roman dans ses propres confins, jusque là où il peut tomber dans ce qu'on nomme paralittérature - des œuvres qui ont tout ce qu'il faut pour être des œuvres, mais pas ce qu'il faut pour être littéraires. Or le roman n'est pas, loin s'en faut, cantonné à cela : il est un terreau vivant sur lequel poussent des formes étonnantes, inouïes, strictement originales. [...]
[...] Nous ne le croyons pas. Au contraire, nous aurions tendance, avec Kundera, à penser le roman comme une voie pour lutter contre l'ignorance de ce que nous sommes : La bêtise des gens consiste à avoir une réponse à tout. La sagesse d'un roman consiste à avoir une question à tout. ( Kundera, 1984) Le relativisme total de Pascal Quignard doit, semble-t-il, être relativisé (paradoxe qui, probablement, ne serait pas pour lui déplaire) ; car, s'il semble bien que les questions de forme et de narration, autant que les liens entre fiction et Histoire, soient toujours sujets à caution, soumis aux parfois et aux quelques , le rapport du roman à une connaissance, quelle qu'elle soit, de la conscience humaine et de ce que c'est que d'être humain, ne saurait être mis en doute. [...]
[...] Plus tard, Kafka offre l'exemple d'une écriture où l'action et les personnages se font de plus en plus abstrus, difficiles à reconnaître et à appréhender. Les expérimentations formelles allant dans le sens de la déconstruction des schémas narratif et actanciel classiques verront leur apogée dans Le Journal des Dieux, roman hypergraphique du lettriste Isidore Isou, où images, rébus, éléments architecturaux, espèces animales sont les éléments par lesquels la narration devra être saisie. Les exemples ne manquent pas pour prouver que le roman, en tant que forme, est un Protée capable de toutes sortes de renouvellements, d'inventions, de jamais-vu ; et l'on se doit d'ajouter que si, un jour, un ordinateur était assez puissant pour quintessencier l'idiosyncrasie d'une écriture afin de produire, à l'envi, des œuvres proustiennes, balzaciennes, sadiennes ou rabelaisiennes, il ne pourrait - et c'est ce qui fait la force de l'écriture romanesque - créer des œuvres originales et qui possèderaient la même distance avec les œuvres déjà existantes, que celle qu'ont été capables de prendre avec les œuvres antérieures des écrivains tels que Virginia Woolf, L.-F. [...]
[...] Là où il y a un toujours, mettez un parfois, là où il y a un tous, mettez un quelques, et vous commencez d'approcher le roman (Quignard, 1989). Dans les quelques pages qui vont suivre, nous nous efforcerons d'appliquer ses conseils et, dans la description que nous allons tenter de faire de notre approche du genre romanesque, de mettre des quelques et des parfois . Nous verrons d'abord que le roman, c'est avant tout raconter une histoire. Puis nous étudierons la conception selon laquelle le roman, c'est raconter l'Histoire. Enfin, nous aborderons l'idée selon laquelle le roman raconte l'histoire de la conscience humaine. [...]
[...] Une conception matérialiste de l'homme apparaît ici - la conscience humaine est faite, aussi, des sensations du corps - qui va informer une esthétique romanesque. Le roman physique des sensations et de la conscience donne alors lieu à l'œuvre littéraire. Au XX[ème] s., les auteurs adoptant ce procédé se feront de plus en plus nombreux : Marcel Proust s'efforcera de mimer, dans les structures syntaxiques qu'il élabore, le cheminement de la pensée et de la mémoire ; dans ses immenses monologues intérieurs, James Joyce tentera de reproduire le chaos organisé de la conscience, le vaste déferlement de paroles et d'images indistinctes qui nous habite sans cesse ; L.-F. [...]
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