Selon Héraclite, l'existence est faite d'une diversité qui est en état continuel de mouvement et de changement. Puisqu'il est soumis au temps et au changement, l'être humain n'est plus identique à ce qu'il était et différent de ce qu'il sera. Même si, intimement et fondamentalement, l'homme se métamorphose, il reste, identitairement et extérieurement le même. En effet, les aspects psychologique, physique, mental, moral, sont en permanente évolution ; en revanche, les statuts civique, juridique, et social restent immuables. Outre l'ambivalence qui lui est intrinsèque, l'individu s'oppose également à l'autre. L'homme voit en cet autre, son alter ego –c'est à dire son reflet- et aussi son contraire. Cette thématique du double, selon laquelle l'homme n'est pas un mais deux, est la ligne directrice de l'œuvre de Pirandello, Feu Mattia Pascal. Cette problématique du double implique la quête d'identité du protagoniste qui, après s'être fait passer pour mort, devient un autre. La naissance d'une personne seconde implique la disparition de l'être premier. Mais cet être créé à partir de la personne originelle n'a aucune référence sociale officielle. Alors on peut se demander comment se développe et s'organise ce dédoublement à travers l'œuvre éponyme Feu Mattia Pascal de Pirandello ? D'abord, la figure du double s'élabore à partir du changement, du passage de la fausse mort à la « renaissance ». Puis, la quête d'identité est liée au dédoublement de soi par rapport à l'autre. Enfin, la thématique du double passe par la dualité de la personne et du personnage.
[...] L'œuvre de Mattia Pascal représente l'état civil de Mattia Pascal contrairement à Feu Mattia Pascal, qui n'est que la représentation matérielle de la nécessité d'écrire de Pirandello. Finalement, toute l'œuvre de Pirandello repose sur le thème du double. Mattia Pascal et Adriano Méis sont structuralement des figures du double dans la mesure où ils représentent : le mort-vivant et le vivant non existant. De plus, la notion d'individu est double : l'individu s'oppose à la totalité et à l'unité comme la partie d'un tout. L'individu est à la fois un et indivisible et pourtant non unique. [...]
[...] Après avoir été reconnu précipitamment comme suicidé, Mattia Pascal endosse une nouvelle identité : il devient Adriano Méis. Cette volonté de se métamorphoser implique la tentative de refaire sa vie non de manière continue mais en repartant de zéro : Je me sentais la conscience redevenue vierge et transparente, et l'esprit alerte et prêt à tirer profit de tout pour la reconstruction de mon nouveau moi Mattia Pascal change alors d'identité, il s'invente un nouveau nom, un nouveau parcours, une nouvelle vie. [...]
[...] Comme on l'a vu, Mattia Pascal croit en la reconstitution d'une nouvelle personnalité et par là même, une autre identité en se donnant un nouveau nom. Toutefois, le nom fait partie des attributs de la personne. Même si le nom d'Adriano Méis n'est pas officiel, il est quand même reconnu par Adriana, la Caporale et tous les actants de sa seconde existence. Ces attributs assurent néanmoins son identité au sein d'un groupe social donné. Alors que l'identité civile d'Adriano n'est pas reconnue, son identité sociale contraire- est attestée. [...]
[...] La personne de Mattia Pascal est la somme de sa vie ; et, cette somme permet la constitution de sa personnalité. En revanche, en inventant la somme de la vie d'Adriano, il lui constitue une personnalité afin de l'affirmer comme existant et de le définir existentiellement. Mais, il se retrouve entre un Mattia Pascal mort et un Adriano Méis inexistant. Le principe d'individualité consiste en l'affirmation de sa singularité par rapport à autrui. L'œuvre de Pirandello évoque ce relativisme psychologique à savoir que nous ne sommes que ce que les autres font de nous. [...]
[...] Cette non-synchronisation est évoquée par Mattia Pascal : tout souvenir de ma vie retranché net, l'esprit arrêté à la résolution de recommencer une nouvelle vie Egalement, la thématique du double apparaît à travers l'opposition vie/mort. Mattia Pascal est réel dans le micro-univers fictionnel contrairement à Adriano Méis qui est fictif. Puis, paradoxalement, Mattia Pascal appartient au monde des existants, même mort ; au contraire, Adriano Méis est un vivant non existant. En effet, Mattia Pascal n'est plus alors qu'Adriano Méis n'est pas. [...]
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