Une des conditions du succès d'un roman est sa réceptivité par le lecteur. Cette réception passe prioritairement par l'identification et par le « pacte de feintise partagée » (Schaeffer). Pendant le temps de sa lecture, le lecteur s'identifie au personnage, vit ses aventures, ressent ses joies et ses peines et accepte de croire que le monde du roman est vrai. Ce « processus » de réception est tout à fait différent en ce qui concerne la lecture de poèmes. Reverdy écrit à ce propos dans son Bloc-notes « 39-40 » : qu'« en lisant un roman, le lecteur ravi devient imaginairement un autre ou les autres » alors que « le poème l'émeut mais le laisse en lui-même et plus intensément lui-même ». Nous pouvons alors nous demander en quoi la lecture de poème permet au lecteur de renforcer la conscience de son être. Comment la poésie peut-elle prétendre être affirmation de soi pour le lecteur, contrairement au roman qui selon Reverdy, semble seulement superficiel et divertissant ?
[...] Le lecteur ne peut certes pas s'identifier aux personnages comme ces deux fantômes par exemple, mais cela ne l'empêche pas de saisir le poème et de le comprendre. Il peut alors réfléchir à son tour sur sa condition d'homme face au monde et au temps qui passe pour prendre pleinement conscience de son être. Il peut se refléter dans le poème des thèmes qui lui sont chers et qui lui permettront d'avoir une autre vision sur ceux-ci. Mais le poème lui impose tout de même une structure qui ne lui permet pas de lire tout ce qu'il désire. [...]
[...] De plus, la lecture romanesque semble, contrairement à ce que Reverdy affirme, apte à transmettre des émotions et des réflexions au lecteur qui le marqueront et le laisseront plus intensément lui-même. Ainsi, la marque faite par la lecture poétique ou romanesque sur le lecteur semble dépendre de ce dernier qui peut ressentir ou non les émotions du poème et en comprendre le sens. Il semblerait donc que les lectures de romans ou de poèmes puissent apporter toutes deux une intensification de l'être du lecteur. [...]
[...] Afin de répondre à ces interrogations, nous verrons tout d'abord pourquoi la lecture de poèmes peut être révélation et affirmation de soi. Ensuite nous tenterons d'une part de montrer que la poésie n'a pas pour seul but d'intensifier l'être du lecteur et d'autre part, que le roman peut tout aussi bien, par l'identification, renforcer la conscience d'être du lecteur. Enfin, nous expliquerons que le roman ou la poésie sont tous deux des moyens d'affirmation de soi, et que celle-ci dépend de la volonté du lecteur. [...]
[...] Cependant, cette définition de la lecture est-elle applicable à tous les romans ? Certains romans ne seraient-ils pas capables, comme les poèmes, de marquer profondément et pour longtemps, un lecteur ? En effet, La Peste de Camus conduit le lecteur à s'interroger sur les actes de courage et de solidarité de Rieux, mais aussi de Rambert qui restera pour aider les malades alors qu'il aurait pu regagner Paris et fuir cette maladie mortelle. Le lecteur de ce roman se trouve confronté à une situation certes imaginaire mais qui pourrait se réaliser, le conduisant alors à s'interroger sur qu'il ferait à leur place et le confrontant à sa condition humaine bien fragile. [...]
[...] Dans le poème en prose de Ponge l'huitre», le lecteur peut y percevoir deux niveaux de lecture. Une première, qui s'offre directement et qui est une description très détaillée de l'huitre, où le poète s'arrête sur chaque petit détail puis une seconde qui permet un deuxième niveau de lecture possible. Cette deuxième lecture dévoile derrière l'apparente simplicité de la description, un véritable microcosme, comme si l'huitre était un monde réduit, une copie du monde réel. Cette lecture plus poussée conduit le lecteur à réévaluer son monde et notamment les choses qui le composent et qui à première vue, paraissent sans importance, ce parti pris des choses est celui choisi par Ponge. [...]
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