A quoi bon écrire ?

Résumé du document

Prendre la plume et écrire est une expérience quotidienne pour un grand nombre de personnes. Que ce soit à l'école, au travail, dans son agenda ou son journal personnel, nous noircissons beaucoup de pages au cours de notre vie. Ecrire, c'est à la fois utiliser un système de signes graphiques appartenant à une langue et sens plus étroit, composer un ouvrage, créer une œuvre. Mais à quoi cela sert-il ? Pourquoi écrivons-nous ? Si l'on prend le sens large du mot « écrire », c'est une réponse à la nécessité quotidienne : nous avons besoin de communiquer une information, de noter quelque chose dont on doit se souvenir… Mais la création artistique ne relève pas de cette nécessité pratique. L'art n'a pas une fonction utilitaire. Alors d'où nait la littérature ? Pourquoi le nombre de livres ne cesse-t-il de croître les siècles passants ? C'est parce que dans l'écriture, il y a toujours une recherche : la recherche d'une expérience de l'autre, d'une rencontre nouvelle. Ecrire, c'est d'abord la quête de l'échange avec autrui, puis la rencontre avec soi-même comme autre, et enfin, l'aventure de la création littéraire, c'est l'expérience du don, c'est rencontrer ce qui échappe à soi-même et accepter cet abandon.

Extraits

[...] C'est donc en écrivant que l'on se rencontre. L'écriture nous dévoile à nous-mêmes. Lorsque l'on parle, l'émission de nos paroles et la réception par nous-mêmes sont simultanées, tandis que l'écriture permet une réception postérieure à l'émission. Il y a véritablement une rencontre avec soi-même comme autre, car ce qui est écrit ne nous appartient plus en quelque sorte. Nous pouvons nous lire comme nous lisons quelqu'un d'autre. Il y a un processus d'écriture par lequel chaque auteur donne une part de lui-même dans son œuvre. [...]

[...] On écrit pour se retrouver dans ses œuvres. Comme un lecteur rencontre un auteur à travers ses lectures, et comme il se rencontre lui-même, l'écrivain fait cette double rencontre : il fait l'expérience de l'altérité comme dans toute lecture, mais il rentre aussi dans le jeu de la narration qu'il a lui-même instauré. L'écrivain fait la rencontre avec lui-même dans ses écrits, mais avec lui-même comme autre, et c'est pour cette raison, entre autres, qu'il entreprend d'écrire. III. Ecrire, l'expérience du don, la rencontre avec ce qui échappe à soi- même et l'acceptation de cet abandon Si écrire est la recherche de la rencontre avec l'autre, et avec soi-même comme autre, c'est aussi, et même davantage, l'expérience du soi qui nous échappe, la découverte de la part de soi qui ne devrait pas être montrée. [...]

[...] La mort est une révélation. J'écris tout au long de mon existence et la mort vient donner le dernier mot qui nous consacre dans notre éternité. Nous écrivons en quête de nous-mêmes, de notre accomplissement que nous ne rencontrerons qu'avec la mort. On n'a jamais fini décrire son œuvre, parce que nous recherchons incessamment le mot ultime qui nous ferait passer de l'autre côté. Mais le dernier mot est celui qui nous échappe, comme tout ce qui nous révèle à nous-mêmes. [...]

[...] Mais écrire, c'est également une parole sur une autre, c'est participer à un ensemble de processus littéraires, à une sorte d'œuvre immense en perpétuel changement. Ecrire est une réaction à la lecture, est une écriture sur d'autres écritures. Il n'y a pas d'écriture indépendante du reste, qui serait pure et isolée de toute influence littéraire. Nous écrivons sur de l'écrit et par-dessus de l'écrit, nous participons à un ensemble de démarches de production littéraire. Bibliographie indicative Histoire de l'écriture par l.-J. [...]

[...] Ecrire suppose lire. Ecrire, c'est donner les règles du jeu, lire les accepter. L'auteur, par l'intermédiaire de la narration, permet à son lecteur de rentrer dans son jeu. Quand nous lisons, nous renonçons un instant à notre identité pour aller vers l'opposé, c'est-à-dire l'altérité. Savoir lire, c'est être capable de devenir quelqu'un d'autre. Nous écrivons pour le plaisir de la rencontre avec cet autre. Car si écrire est donner à chacun la possibilité d'être un autre par l'acte de la lecture, c'est aussi permettre à soi-même, écrivain, de devenir également quelqu'un d'autre. [...]