Tous les matins du monde, roman de Pascal Quignard publié en 1991 et adapté au cinéma par Alain Corneau la même année, nous plonge dans le monde de la musique baroque du XVIIème siècle à travers le personnage triste et sombre de Sainte-Colombe. C'est en fait une oeuvre entière centrée sur l'Art, où nous ressentons notamment l'inspiration du clair-obscur, que ce soit de manière visuelle ou sous-entendue dans l'oeuvre. C'est donc ce clair-obscur omniprésent que nous allons étudier, en montrant d'abord comment il se présente dans la société de Tous les matins du monde, puis en observant les contrastes entre les personnages et ce qui les caractérise, et enfin en expliquant comment Quignard et Corneau mettent en scène ce clair-obscur.
Un roman - ou un film - est tout d'abord caractérisé par son ancrage dans une époque et un lieu. Tous les matins du monde se place en France, sous le régime absolu de Louis XIV. Ce cadre spatio-temporel est à lui seul un contraste, qui est important car il revient à plusieurs reprises au long de l'oeuvre : en dehors du faste de Versailles, de l'Art et de la musique aux mains du Roi Soleil se trouvent des familles éloignées de Paris, recluses, entourées par la nature. C'est dans ce contexte qui se démarque de la splendeur royale que se situe Monsieur de Sainte-Colombe. Mais les Sainte-Colombe sont plusieurs fois confrontés à ce monde de Cour, créant une première sorte de clair-obscur entre ces sociétés différentes. Un premier aperçu des différences lors des concerts à trois violes des Sainte-Colombe. Parmi le public, des nobles honorablement parés, assis non loin de jansénistes, vêtus de façon bien plus sobre. Nous devinons bien sûr que Sainte-Colombe se rapproche plus de la seconde catégorie.
Nous assistons encore à ce contraste lorsque le Roi vient mander Sainte-Colombe à la Cour en lui envoyant Monsieur Caignet puis l'Abbé Mathieu (...)
[...] Tous les matins du monde se place en France, sous le régime absolu de Louis XIV. Ce cadre spatio-temporel est à lui seul un contraste, qui est important car il revient à plusieurs reprises au long de l'œuvre : en dehors du faste de Versailles, de l'Art et de la musique aux mains du Roi Soleil se trouvent des familles éloignées de Paris, recluses, entourées par la nature. C'est dans ce contexte qui se démarque de la splendeur royale que se situe Monsieur de Sainte-Colombe. [...]
[...] Ce manque de dispositions pour le langage rend son visage inexpressif et sévère et le garde dans une extrême pudeur (p.22). Sainte-Colombe fait déjà partie du monde des morts, par exemple en s'immergeant dans le lac, comme une espèce de passage pour rejoindre sa femme. Madeleine, quant à elle, lui ressemble à mesure que Toinette ressemble à leur mère. Comme son père, elle a connu l'Amour et l'a perdu. Pour exprimer sa douleur, elle ne s'enferme guère dans la musique, mais se laisse tout bonnement mourir. [...]
[...] Ces scènes s'appuient sur les contrastes dans les costumes : Sainte-Colombe est resté à la mode Louis XIII tandis que l'Abbé, pourtant homme d'église, est porte un habit noir en satin, un petit collet à ruché de dentelles, une grande croix de diamants sur la poitrine (p.28). On ressent également des différences dans les attitudes, mielleuses, appuyées de grands mots, de références au Roi, alors que Sainte-Colombe est franc, direct, et finalement coléreux face aux insistances. De la même manière, Marin Marais se retrouve chassé par Sainte- Colombe pour avoir voulu se mêler à la Cour. Le personnage de Marais évolue peu à peu vers son ambition : cette société, le contraire absolu de Sainte- Colombe. [...]
[...] C'est d'ailleurs tout ce qui manque à Madeleine, et ce sont les raisons qui vont pousser Marin Marais dans ses bras, qui finalement va finir par la voir comme la plus belle femme du monde (p.85). Toinette, finalement, accède au bonheur en épousant un luthier. Mme de Sainte-Colombe, bien que morte, représente également cette lumière, une lumière presque divine. Elle symbolise le bonheur, désormais disparu, de Mr de Sainte-Colombe, et un réconfort à chacune de ses apparitions. Mr de Sainte-Colombe parle d'elle comme d'un morceau de joie qu'il ne retrouvera jamais (p.17). Mme de Sainte- Colombe est semblable à Toinette : dans le film, des couleurs chaudes pour ses costumes. [...]
[...] Cependant, nous devinons d'autres inspirations sous-entendues, qui expliquent la présence de ce clair-obscur omniprésent. Rappelons tout d'abord que le clair-obscur est une technique picturale portée à son apogée par le peintre Le Caravage, et suivie par Georges de la Tour, au goût prononcé pour les jeux d'ombre et de lumière. Pascal Quignard parle d'ailleurs de ce dernier artiste dans La nuit et le silence des images, une étude publiée en 2010. Georges de la Tour place très fréquemment dans ses tableaux souvent de thèmes religieux des chandelles, qui sont également utilisées tout au long du film, et évoquées dans le roman. [...]
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