Pour qui sonne le glas marque chez Hemingway le retour de la faveur du publique et des critiques après une décennie sans grand succès. Publié à la fin de la Guerre civile espagnole et au début de la Seconde Guerre mondiale, ce roman a confirmé sa maîtrise du roman d'aventure militaire. Son roman évoque de plus l'Adieu aux armes de 1929, récit d'une rencontre amoureuse mais marque cependant une rupture avec la vision plus noire et désespérée de la guerre qu'Hemingway avait offerte.
Dans l'oeuvre d'Hemingway, Pour qui sonne le glas est souvent considéré comme un écart par rapport au son style habituel que l'on retrouve par exemple dans Le soleil se lève aussi. En effet, ses précédents ouvrages comprennent des dialogues dans un registre plus familier et peu de descriptions conséquentes. On a pu interpréter Pour qui sonne le glas comme une réponse aux critiques de ce style. C'est en fait son roman le plus long et il y inclut des descriptions du paysage importantes ainsi que des monologues intérieurs inédits, comme par exemple ceux de Jordan. Ce changement a tantôt été dénoncé comme une trahison et tantôt salué pour son originalité. Cependant, Hemingway est retourné vers un style plus traditionnel dans son oeuvre suivante Le vieil homme et la mer.
[...] Au contraire, les fascistes sont associés à la machine par les champs lexicaux et les images qu'Hemingway emploie. Ainsi, Jordan évoque tout d'abord les avions fascistes dont les ombres glissent sur la campagne comme les ombres des requins sur un banc de sable au chapitre VIII mais reprend l'image de la machine au chapitre suivant : ceux là n'avancent pas comme des requins. Ils avancent comme la fatalité mécanisée. En outre, Hemingway intègre une réflexion sur l'écriture au roman. Cette réflexion rapproche l'expérience de Jordan de l'autobiographie. [...]
[...] Cet effet est d'autant plus fort que le lecteur participe au massacre comme le revendique Pilar : je voulais partager et être coupable autant que n'importe qui Enfin, cet extrait représente une véritable mise en abîme étant donné la longueur de la scène. Cette imbrication des récits l'un dans l'autre est soulignée par les remarques de Jordan dans le chapitre suivant : si cette femme pouvait écrire ! (Chapitre XI). Cette scène et le reste du roman m'ont particulièrement plu. [...]
[...] Pour qui sonne le glas symbolise l'idéalisme des intellectuels des années 30 face à la montée de la menace nazie et fasciste. Ceci explique le titre ainsi que la présence du sermon du poète métaphysicien anglais du XVIIe John Donne : La mort de tout homme me diminue parce que je suis solidaire du genre humain. Ainsi donc, n'envoie jamais demander : pour qui sonne le glas : il sonne pour toi Ce message de solidarité du genre humain est repris de nombreuses fois par Jordan : il déclare par exemple juste avant l'attaque que si nous sommes vainqueurs ici, nous serons vainqueurs partout Il est surtout incarné par la cohésion de la bande de Jordan puisque comme le dit Maria à Jordan [ils sont] tous une famille (chapitre XI). [...]
[...] Ainsi, on peut comparer cette scène de violence publique à la tradition de la corrida : les hommes sont lâchés un par un et attaqués sous les encouragements d'un public dans une ambiance qui associe fête et mort : cette ambiguïté de la scène est illustrée par les paysans qui ont mis leurs habits du dimanche ou de jour de fête et qui ne savaient pas comment s'habiller La structure du passage consiste en un lent crescendo de violence et de barbarie au fur et à mesure de la sortie des fascistes. Directement après le récit de la prise de la caserne, Pilar précise comment l'arrestation des fascistes a été soigneusement préparée par Pablo. La situation semble se calmer puisque Pablo déjeune et Pilar entame une description de la localisation du village qui va avoir une grande importance dans le reste de la scène. Les rues sont alors tranquilles et silencieuse puisqu'on entend l'eau de la fontaine couler. [...]
[...] Si l'engagement politique d'Hemingway et de Jordan est indéniable, les deux recherchent aussi l'aventure et la solidarité humaine comme des fins en soi. Pour qui sonne le glas est en outre une des manifestations du fameux style d'Hemingway que certains auteurs contemporains cherchent à imiter. Mais ce style sec ne se limite pas à la simplicité et à la précision des mots choisis : Hemingway ne se contente pas d'une syntaxe rudimentaire et n'accumule pas des mots inusités par souci de précision. [...]
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