Les charges du procès intenté à l'ordre de la représentation dans La recherche de l'Absolu de Balzac s'articulent à partir du rapport à l'origine de ses personnages. Contre la tradition, Balzac assume la modernité en montrant ce qu'elle a d'hybride. En témoigne le personnage de Joséphine, physiquement infirme mais d'une générosité grandiose, mélange de sublime et de grotesque. Mais quoiqu'il l'endosse, Balzac n'est pas moins critique de cette modernité et de la quête d'une rationalité scientifique fondatrice du sujet et du monde qui la caractérise. Si la recherche obsédée de l'absolu est le moteur de la narration, la dynamique de refus et d'acceptation de l'origine et de la consistance identitaire est le moteur spirituel derrière cette recherche.
[...] Marguerite allait être, dans un temps donné, la confidente active de sa mère, et serait au dénouement le plus redoutable des juges.[23] Parce qu'elle reconnaît cette origine d'autant plus tragique qu'elle lui échappe totalement, Marguerite pourra s'en distancier et échapper à la folie destructrice dont sa famille est marquée. En maintenant par sa rencontre amoureuse une logique d'altérité, Marguerite affecte une maîtrise qui n'est rendue possible que par la reconnaissance de la non-maîtrise qui est première dans la constitution du sujet. La recherche de l'Absolu, Honoré de Balzac, Librairie Générale Française pp. [...]
[...] Paradoxalement, cette folie de vouloir retrouver l'origine vient justement du fait qu'il ne reconnaît pas ses propres limites, à commencer par celle de sa propre origine. Voulant échapper à cette origine et à l'histoire qui le précèdent, Balthazar se voit rattrapé par celles-ci, sous la forme d'une monomanie atavique. Tel Claës s'était passionné pour les meubles, tel autre pour l'argenterie, enfin chacun d'eux avait eu sa manie, sa passion, l'un des traits les plus saillants du caractère flamand.[21] Balthazar est d'autant plus déterminé par cette folie héréditaire qu'il ne peut reconnaître son origine. [...]
[...] Il souffrait de trop de puissance. Oppressé par une pensée qui l'étreignait, il rêvait les pompes de la Science, des trésors pour l'humanité, pour lui la gloire.[6] Complètement obsédé par une image trop prégnante, le sujet est absorbé par la rêverie de la gloire qu'il rappelle constamment : Quoi! ( ) tu blâmes ton mari de s'élever au-dessus des autres hommes, afin de pouvoir jeter sous tes pieds la pourpre divine de la gloire, comme une minime offrande auprès des trésors de ton cœur![7] L'ambition de la maîtrise qui a mené Balthazar à renier son origine le force également à refuser la rencontre de l'Autre. [...]
[...] Balthazar, aveugle à cette unité, cherche celle plus absolue de l'origine du monde. Mystérieuse, irreprésentable, l'origine du monde est une scène qui nous échappe. Pour cela, toute tentative d'appropriation de cette scène sera par le fait même une appropriation du pouvoir. Qu'on ne puisse entrer dans le laboratoire de Balthazar, ce mystérieux atelier de séduction montre bien l'aspect irreprésentable de l'origine. L'iconographie religieuse, très présente dans le roman, ne sert pas tant à affirmer la supériorité de la religion sur la science tout au plus suggère-t-elle un lien entre les deux domaines qu'à montrer que le pouvoir associé à l'origine, qu'il soit diabolique ou divin, n'est certes pas humain. [...]
[...] Cette diversité dans l'héritage culturel suggère une logique d'altérité fondamentale dans la constitution d'une identité. On remarque également l'aspect trouble et impalpable d'une naissance engendrée par la fumée. Une telle image évoque le mystère d'un commencement insaisissable que Balthazar s'évertue pourtant à isoler dans son laboratoire. On note enfin le contentement des sens par la pipe et la bière, suggérant la primauté du désir dans la constitution du sujet. Le personnage de Joséphine, coquette par grandeur d'âme exprime bien cette primauté qui chez elle prend la forme de la séduction. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture