Sans dire que Péguy et Bernanos sont l'Hérodote et le Thucydide du monde moderne, on peut raisonnablement parler d'une vision personnelle et unique de l'histoire chez ces deux auteurs. La singularité de ces théories vient du lien intime entre la personnalité et l'écriture de chacun, qui se développent dans toute leur œuvre.
L'axe principal autour duquel se greffent ces deux visions de l'histoire est la dialectique entre jugement libre et engagement donc dépendance. C'est la substance de la phrase de Dietrich Bonhoeffer, « qui n'abdique pas, quoi qu'il arrive, sa coresponsabilité dans le cours de l'histoire, parce qu'il sait qu'elle lui est imposée par Dieu, trouvera au-delà de la critique stérile et de l'opportunisme, tout aussi stérile, une attitude féconde face aux événements de l'histoire. » Les deux écrivains tentent de concilier ces deux thèses (liberté donc vérité du jugement et implication) de façon différente, chacun avec son mode propre, chacun avec sa personnalité et ses outils, ce qui donne naissance à deux visions de l'histoire. Pour connaître quelle est l'approche bernanosienne et quelle est l'approche péguyste de l'histoire, il faut donc étudier chez eux le rapport entre liberté et dépendance sous le point de vue de l'histoire. Pour cela nous allons nous engager nous-mêmes dans la voie de l'histoire qui suit les traces de chacun d'eux. Nous allons donc les comparer. Mais chacun a une approche bien différente dans sa méthode. Péguy est un intellectuel normalien très cultivé donc son approche va être plus théorique et Bernanos est plus un visionnaire intuitif. Il faudra aller au-delà de ces différences d'écritures, pour trouver matière à comparaison non pas dans les accords superficiels entre les deux écrivains mais dans les différences profondes. Et ainsi nous pourrons répondre, non seulement grâce à notre investigation mais aussi par le mode même de l'investigation, à la question qui enjambe le siècle mais que nous entendons car leurs auteurs « restent à portée de voix » : Comment Péguy et Bernanos conçoivent-ils le rapport entre la responsabilité dans le cours de l'histoire et la fécondité de l'attitude qui en résulte ?
[...] Sa vision de l'histoire même, ouverte, révolutionnaire, dépendante de la liberté, est pleine d'espérance. Cette vision du présent héritée d'Henri Bergson, qui conçoit cette temporalité comme une potentialité infinie de création, à chaque instant, permet d'espérer en l'avenir. Mais il faudra attendre les grands textes de la conversion pour voir apparaître l'espérance comme une vertu théologale, transcendantale. Chez Bernanos, c'est dans l'autodérision que l'on trouve cachée l'espérance, c'est dans cet humour grave et enfantin à la fois, que l'abandon se manifeste sous forme d'espérance aux yeux des lecteurs de Bernanos. [...]
[...] Elle a été accaparée, donc amoindrie car asservie, par l'extrême droite notamment. Mais ils ont fait le choix de confier à Clio leur trésor. Et c'est maintenant que nous pouvons juger de ce choix, le plus fécond parmi tous les choix humains, bien plus fécond qu'une critique, même objective, du passée : une création qui touche au plus profond de l'être humain transmise par-dessus les âges. C'est alors qu'apparaît la vraie fécondité de l'engagement, c'est-à- dire de l'œuvre, de Péguy et de Bernanos, qui est la dimension prophétique. [...]
[...] Pour cela nous allons nous engager nous-mêmes dans la voie de l'histoire qui suit les traces de chacun d'eux. Nous allons donc les comparer. Mais chacun a une approche bien différente dans sa méthode. Péguy est un intellectuel normalien très cultivé donc son approche va être plus théorique et Bernanos est plus un visionnaire intuitif. Il faudra aller au- delà de ces différences d'écritures, pour trouver matière à comparaison non pas dans les accords superficiels entre les deux écrivains mais dans les différences profondes. [...]
[...] En effet, leur implication est d'un style bien particulier. Ce n'est pas l'engagement pour leur propre cause, c'est un engagement pour une cause supérieure, la défense de la vérité, c'est un engagement au service d'une mystique. La mystique est pour Péguy une ligne de conduite pure dictée par un principe dont découle un certain ordre. C'est la définition que l'on peut tirer de Notre jeunesse. Son opposition à la politique est justement le détachement de l'intérêt personnel. On sert une mystique, on se sert d'une politique. [...]
[...] Cette liberté de la raison est le trésor qu'il a confié pour nous à Clio. Pour Bernanos, la modernité vient confirmer la liberté vue comme un risque, puisque, dans la modernité, l'humanité a librement échoué. Il insiste dans toute son œuvre sur le caractère pathétique de la liberté. La communion des saints c' est cette communauté totale de destins et de responsabilité s qui concerne ce qu'il y a de plus profond dans les personnes nous dit le théologien Balthasar[22]. [...]
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