Dissertation de Littérature sur le procès de Flaubert et de Madame Bovary concernant les notions d'auteur et de normes en littérature.
[...] La littérature ne possède pas, d'après Pinard, la permission d'étudier avec minutie, d'exhiber tous les comportements humains, et en particulier leurs déviances morales : Ce serait placer le poison à la portée de tous et le remède à la portée d'un bien petit nombre, s'il y avait un remède Or la littérature relève de l'art et donc d'une finalité publique ; aussi doit- elle parfois appeler l'artiste à une autocensure: Cette morale stigmatise la littérature réaliste, non pas parce qu'Elle peint les passions : la haine, la vengeance, l'amour ; le monde ne vit que là-dessus, et l'art doit les peindre ; mais quand Elle les peint sans frein, sans mesure. L'art sans règle n'est plus l'art. Imposer à l'art l'unique règle de la décence publique, ce n'est pas l'asservir, mais l'honorer. On ne grandit qu'avec une règle. [...]
[...] Messaline a raison contre Juvénal. . Cette assertion est justifiée également par le fait que les autres personnages du roman, ancrés dans la médiocrité et la bêtise provinciale, échouent à renverser la perspective par une opinion morale fiable, la glorification du crime d'Emma se poursuit encore après sa mort à travers la description de l'adoration de son mari. Pinard défend ainsi une conception du roman proche de l'apologue dont la finalité est de délivrer sous la forme plus concrète de la fiction, une maxime. [...]
[...] l'Avocat impérial, pourrait être moral, mais il dirait ce qui n'est pas dans la nature : Flaubert est en effet selon lui, poussé par un souci de vérité et d'exactitude dans la dénonciation des mœurs déviantes et la mise en garde de son lectorat Accusez donc la société au milieu de laquelle nous sommes, mais n'accusez pas l'homme qui, comme Bossuet, s'écrie : Réveillez-vous et prenez garde au péril ! Toutefois, au principe du vrai, Pinard lui oppose la notion de vraisemblable en récusant la couleur locale du roman au profit de la norme imprescriptible : on s'excusera en disant qu'une femme vaporeuse, romanesque, ne fait pas, même en religion, les choses comme tout le monde. Il n'y a pas de couleur locale qui excuse ce mélange! [...]
[...] Je n'aime pas beaucoup à rencontrer des choses saintes dans un roman, mais au moins, quand on en parle, faudrait-il ne pas les travestir par le langage [ ]Quand on veut les reproduire, il faut le faire exactement ; il ne faut pas du moins les accompagner d'une image voluptueuse sur la vie passée écrit le procureur au sujet des scènes religieuses du confessionnal, de la communion et de l'extrême onction où Flaubert semble employer un double langage dans l'interpénétration de l'évocation de l'adultère à travers la prière du prêtre. Il y a donc ici bien en jeu une implication éthique du style dont la poésie les prestiges et la magie ne semblent pas si éloignés d'une forme d'hérésie corruptrice, d'une sorcellerie évocatoire capable de pervertir les sens, par la perversion du sens. Aussi le reproche adressé est Flaubert n'est donc pas seulement de peindre la débauche mais de la peindre précisément par une débauche de mots. [...]
[...] Car il s'agit bien avant toute chose de l'évaluation de la production romanesque et de la portée de sa fiction qui est ici en jeu ; en effet, le genre semble frappé d'une vieille accusation que Mr Pinard reprend à son compte : la trop grande liberté de représentation que permettrait le roman du fait de son absence interne de contraintes. D'où l'emploi abusif que s'en fait l'auteur se livrant à la peinture de tableaux lascifs susceptibles d'exciter la passion chez son lecteur. Le premier critère de discrédit de l'œuvre invoqué par le procureur est donc l'offense à la pudeur blessée d'une part par des représentations d'ordre sexuelles aptes à dépraver et corrompre selon les termes de The Obscene Publications Act, édicté la même année que la publication, en Angleterre et ayant trait à la pornographie. [...]
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