Une œuvre littéraire, qu'elle soit poétique, théâtrale ou romanesque est le reflet d'une volonté créatrice propre à l'auteur. En effet, l'écrivain façonne son œuvre au gré de sa sensibilité par rapport à tel ou tel sujet mais aussi au regard de sa conception de l'écriture en tant que telle. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'Emile Zola remarque que Gustave Flaubert « jamais […] ne se montre au bout d'une phrase. On ne l'entend ni rire ni pleurer avec ses personnages, pas plus qu'il ne se permet de juger leurs actes. C'est même cet apparent désintéressement qui est le trait le plus distinctif ».
Ainsi, dans cette citation, Emile Zola aborde la question de la présence du romancier dans son œuvre et de son attitude face aux personnages qu'il met en scène. Il indique en outre que l'impersonnalité et la neutralité que Flaubert laisse transparaître dans ses œuvres est une spécificité qui le démarque des autres. Il semble donc pertinent de se demander de quelles manières un romancier choisit d'intervenir dans son œuvre, ce que cela implique et, pour aller plus loin, si non-intervention signifie absence de l'auteur.
[...] Cependant, si nous voulons vraiment nous interroger sur la présence du romancier dans son œuvre et sur sa relation avec ses personnages, l'omniprésence de ce dernier se doit d'être soulignée. En effet, certaines formes narratives, particulièrement le roman autobiographique ou autofiction, permettent à l'écrivain de se montrer totalement ou partiellement à son lecteur, et ce volontairement. L'empreinte la plus visible du romancier transparaît lorsqu'il choisit d'être totalement présent dans son roman, d'en être lui-même le héros. C'est le choix qu'on fait de nombreux auteurs tels Alfred de Musset dans Confession d'un enfant du siècle ou Honoré de Balzac dans Le lys dans la vallée. [...]
[...] Son projet est de comprendre comment il en est venu à écrire : Alors j'ai eu envie de comprendre, comprendre qu'est-ce qui avait pu faire qu'un garçon de neuf ans se mette dans cette névrose de littérature [ ] Alors j'ai écrit en gros Les mots Ainsi, le roman autobiographique devient une sorte de psychanalyse de l'écrivain par et pour lui-même, montrant chaque partie de son être au lecteur. Il est lui-même son personnage, son héros. La question de la connivence et de la complicité ne se pose plus, ni celle de sa présence dans son œuvre : elle est de fait, évidente et transparente. [...]
[...] Et pour parvenir à ce but, il a dû renier tout ce qui caractérisait l'écriture romanesque à son sens, démarche malaisée et pénible pour lui. Dans son abondante correspondance avec Louise Colet à l'époque de la rédaction de son roman, il lui écrit : Que ma Bovary m'embête ! [ ] Je n'ai jamais de ma vie rien écrit de plus difficile. Cette confession montre à quel point le souci d'objectivité et de non-intervention va à l'encontre d'un penchant naturel à juger ou à intervenir, à mettre une petite part de soi-même dans le discours. [...]
[...] Enfin, nous essayerons d'envisager le romancier non seulement comme un écrivain mais aussi et surtout comme un homme, la notion du moi et de la dépersonnification dans le roman sera abordée. La réflexion de Zola quant à l'œuvre de Flaubert ouvre la voie de l'impersonnalité et de l'objectivité dans l'écriture romanesque. D'ailleurs, la question majeure qui se pose ici est de savoir si la non- intervention du romancier dans son roman, l'absence de complicité qu'il a avec ses personnages est un concept singulier qui distingue Flaubert des autres et si cet «apparent désintéressement est signe d'une réelle absence de l'écrivain. [...]
[...] Le romancier est avant tout un artiste, un auteur et ce dernier terme est particulièrement intéressant étymologiquement parlant. En effet, il est issu du latin auctor qui signifie celui qui est la cause, le responsable Aussi, comment les théories d'objectivité et d'impersonnalité trouvent-elles leurs limites dans l'écriture romanesque ? Le romancier a-t-il vraiment la possibilité de ne se montrer aucunement dans son œuvre, même infimement ou indirectement ? La présence de l'écrivain, même s'il ne le souhaite pas, est factuelle. [...]
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