C'est avec la naissance du Romantisme et l'émergence de la notion d'individu que l'écriture à la première personne commence à prendre un sens autobiographique, dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau au XVIIIe siècle. Depuis, il semble que l'écriture à la première personne facilite l'adhésion immédiate du lecteur. Pourtant, elle n'a pas toujours un même objectif. Les genres de l'écriture de soi sont divers, et répondent à des fonctions différentes.
Il est indéniable que le pronom « je » s'appuie sur la confiance que lui accorde le lecteur, pourtant, c'est surtout pour susciter la réflexion que les auteurs utilisent le « je ». L'écriture à la première personne nécessite que le lecteur aie confiance en la véracité de ce qu'il lit, non seulement pour mener une lecture bienveillante de l'œuvre autobiographique, mais aussi parce que ce texte se présente comme vrai et partage une expérience vécue.
Comment l'emploi de la première personne du singulier permet-il d'agir sur le lecteur ?
[...] La première personne C'est avec la naissance du Romantisme et l'émergence de la notion d'individu que l'écriture à la première personne commence à prendre un sens autobiographique, dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau au XVIIIe siècle. Depuis, il semble que l'écriture à la première personne facilite l'adhésion immédiate du lecteur. Pourtant, elle n'a pas toujours un même objectif. Les genres de l'écriture de soi sont divers, et répondent à des fonctions différentes. Nous nous demanderons alors comment l'emploi de la première personne du singulier permet-elle d'agir sur le lecteur ? [...]
[...] Pourtant, si le pronom je revendique sa sincérité, il cherche aussi à influencer la réflexion du lecteur, en réfléchissant lui-même de manière détournée aux événements qu'il rapporte. C'est ainsi que l'écriture à la première personne permet tout d'abord de mener une recherche sur la nature humaine. Ainsi, Michel de Montaigne se prend pour objet d'étude dans les Essais, désireux de réfléchir sur l'homme en général ; il s'exclame de la sorte : Quant de fois, étant marri de quelque action que la civilité et la raison me prohibaient de reprendre à découvert, m'en suis-je ici dégorgé, non sans dessein de publique instruction ! [...]
[...] C'est donc pour le lecteur, pour son instruction que l'auteur se livre à la première personne, tout en prenant soin de s'autoanalyser. La réflexion universelle sur l'homme passe alors par la parole individuelle du pronom je De plus, parce qu'elle se présente comme véridique, l'écriture autobiographique peut témoigner d'une réalité historique et initier une réflexion sur de grands thèmes, comme celui de la haine de l'autre, dans Si c'est un homme, où Primo Levi pousse le lecteur à s'interroger sur ce sentiment facilement condamnable chez les autres, mais pas forcément identifié chez soi : beaucoup d'entre nous, individus ou peuples, sont à la merci de cette idée, consciente ou inconsciente, que l'étranger, c'est l'ennemi ' ce qui doit conduire le lecteur, à ne pas considérer le peuple allemand comme ennemi, malgré l'Histoire. [...]
[...] L'incipit des Confessions de Jean- Jacques Rousseau explicite les raisons qui conduisent l'auteur à parler à la première personne : je veux monter à mes semblables un homme dans toute la vérité de sa nature Parler de soi pour dire la vérité à tous les hommes, telle est la justification de la rédaction de l'œuvre. Ecrire je suppose, pour emporter l'adhésion du lecteur, la justification explicite des motivations de l'autobiographe. En outre, l'auteur qui utilise la première personne mène la difficile expérience de partager une expérience personnelle, une intimité. Dans Le Retour à la terre de Manu Larcenet, le personnage du dessinateur, Manu, refuse d'évoquer la possibilité de parler de thèmes personnels, comme celui de la vie de couple, que lui propose son scénariste. [...]
[...] Ainsi, c'est dans la préface de Si c'est un homme que Primo Levi affirme je crois inutile d'ajouter qu'aucun des faits n'y est inventé Cette revendication de la vérité semble alors indispensable aux auteurs qui s'essaient à la première personne, comme aux lecteurs qui peuvent lire sans méfiance l'œuvre autobiographique. Par exemple, la même préface signale au lecteur qu'il pourra assouvir pendant sa lecture son besoin de documents [pour] une étude dépassionnée de certains aspects de l'âme humaine. Par conséquent, rassuré, le lecteur adhère à la narration de la première personne. [...]
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