La préface de Cromwell est un des maîtres textes du romantisme et c'est autour du théâtre que la bataille romantique a été la plus longue et la plus ardente. Les grands chefs-d'œuvre du classicisme, le prestige des grands hommes tels que Racine et Corneille couvraient leurs pâles successeurs. Le théâtre subit le « mal du siècle » et doit trouver une nouvelle jeunesse, reconquérir son public. Quand Hugo écrit la préface de Cromwell, il prend part à la bataille pour le romantisme, qui avait à l'étranger débutée avec Manzoni et Schlegel, en France avec Mme de Staël et Mérimée. Hugo se distingua par la vigueur et la verve avec lesquelles il exécuta l'ancien régime littéraire.
Qu'elle nouvelle définition donne Hugo au théâtre en écrivant dans la préface de Cromwell : « Le théâtre est un point d'optique, tout ce qui existe dans le monde, l'histoire, dans la vie, dans l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir sous la baguette magique de l'art» ?
[...] Hugo, dans cette citation souligne que tout ce qui est dans la nature peut et doit être dans l'art. L'art ne doit en ce cas exclure de ses prises aucun des éléments ou des caractères de la nature. La dualité de la nature a été mise en évidence par le christianisme qui est à l'origine, tout du moins pour Hugo, de l'art moderne. Cet art moderne ou art romantique rend au mieux compte de la complexité du réel et prend pour forme préférentielle le drame. [...]
[...] Le théâtre est un point d'optique pour Hugo qui doit concentrer la nature. Comment ce point d'optique se manifeste t'il dans l'écriture d'Hugo ? L'art doit interpréter, choisir, concentrer et ainsi vivre de conventions. Il est magie, résurrection, création nouvelle et c'est au théâtre surtout qu'apparaissent ces conventions. Il le montre dans cette citation en qualifiant le théâtre de point d'optique ou à un autre moment de la préface de miroir de concentration. Hugo ne se contentait pas d'obéir à son instinct de poète et se conformait aux conditions même de l'art, telles que sa réflexion et celle de ses prédécesseurs les avaient reconnues. [...]
[...] Ce sens hugolien de la totalité, tant formel qu'idéologique, définit le drame en dehors de toutes les catégories déjà existantes, parce qu'il les reprend toutes en une forme nouvelle. Ce n'est pas un seul côté des choses systématiquement et perpétuellement mis en lumière, c'est tout regardé à la fois sous toutes les facettes (préface de Marie Tudor). Hugo refusait la distinction des genres. Le drame fonde dans une unité,une même œuvre, les effets de la tragédie et de la comédie, le rire et les larmes, le sublime et le grotesque. [...]
[...] Le drame s'approprie tout ce que l'histoire dédaigne et peut considérer comme superflu (costumes, mœurs ) et y trouve si ce n'est une vérité absolue, un souffle de vie et de vérité. Ce qui le caractérise, c'est donc la vérité. Pour Hugo, un des modèles reste celui de Shakespeare, qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle Nous pouvons aussi remarquer qu'Hugo s'accorde, avec Hegel, sur le drame qui donnait dans son Esthétique la poésie dramatique comme l'aboutissement du théâtre et la réunion la plus complète de toutes les parties de l'art Tout ce qui est dans la nature est donc dans l'art : le grotesque aussi bien que le sublime. [...]
[...] La religion et le christianisme en particulier ont révélé à l'homme ses deux penchants : le Bien et le Mal. Il a révélé à l'homme qu'il était double, a fait naître en lui des sentiments nouveaux tels que la mélancolie. La mélancolie, qui au début était considérée comme un état désagréable, dégoût universel sans espérance (Vauvenargues), devint peu à peu, et surtout dès le préromantisme, un état voluptueux et désenchanté voire le bonheur d'être triste (Hugo, Les travailleurs de la mer) qui rendait à l'homme sa complexité et son équilibre. [...]
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