"Paris Match : le poids des mots, le choc des photos". Tel était, il y a encore peu, le slogan publicitaire chargé de promouvoir cet hebdomadaire français. Ce slogan, qui vante à la fois la force des textes et la puissance des images que l'on trouve prétendument dans ce magazine, semble mettre l'une et l'autre sur un pied d'égalité : l'efficacité des images serait égale à celle des textes pour faire prendre conscience au lecteur de l'actualité, et il est vrai que le plus souvent un journal, qu'il soit de papier ou télévisé, mêle à la fois les images et les textes. Or quand il s'agit non pas d'informer, mais d'argumenter, les textes ont-ils la même efficacité que les images ? Cette question paraît d'autant plus d'actualité que nous vivons dans un monde où l'image prend une place croissante et que de prime abord, tout semble désormais plaider en faveur de la supériorité argumentative de l'image sur le verbe. Mais ce constat rapide mérite peut-être d'être nuancé, si l'on songe notamment qu'argumenter, c'est à la fois persuader, c'est-à-dire emporter l'adhésion du destinataire en touchant sa sensibilité, et convaincre, à savoir emporter l'adhésion de celui à qui l'on s'adresse en faisant appel à sa raison (...)
[...] Au contraire, langage verbal et image peuvent à la fois persuader et convaincre. Ainsi même la planche de bande dessinée des Idées noires de Franquin qui montre de manière rationnelle que l'exécution capitale revient à rentrer dans un cercle vicieux recourt aussi au registre comique par la satire du bourreau et du prêtre et au registre pathétique par la représentation de la peine et de l'accablement du futur exécuté. De la même manière encore, le langage, écrit ou oral, sait mélanger les arguments et les registres : ainsi dans le passage du chapitre 9 du livre III des Essais où Montaigne évoque l'attitude de ses concitoyens en voyage à l'étranger, l'écrivain ne se prive ni de l'argument selon lequel la variété est source de plaisir ni de la satire de ses contemporains, avec notamment l'emploi d'hyperboles comiques : ils semblent être hors de leur élément quand ils sont hors de leur village Cela dit, force est de reconnaître, comme on le constate sur les affiches publicitaires ou politiques, que l'image est plus à même d'attirer le regard du spectateur et le texte qui l'accompagne plus apte à solliciter la raison du destinataire. [...]
[...] Cependant, plutôt que d'opposer ainsi image et langage verbal, de nombreuses formes d'argumentation ne mêlent-elles pas judicieusement le poids des mots et le choc des photos ? Au lieu de dresser une hiérarchie entre la force de l'image et celle des mots, peut-être vaut-il mieux souligner que la plupart des gens qui argumentent savent jouer de la complémentarité entre le langage verbal et l'image : non seulement l'une et 4 l'autre peuvent persuader et convaincre de manière complémentaire, mais les formes modernes d'argumentation ne se privent nullement de l'association du texte et de l'image, à tel point qu'il est d'ailleurs parfois difficile de distinguer nettement ce qui relève exactement de l'image et du langage verbal. [...]
[...] CORRIGÉ ENTIÈREMENT RÉDIGÉ DE LA DISSERTATION : Pensez-vous que les images (peintures, dessins, photographies, films, ) soient plus efficaces que le langage verbal, écrit ou oral, pour persuader et pour convaincre les destinataires ? I. LES ASPECTS PAR LESQUELS L'IMAGE EST PLUS EFFICACE QUE LE LANGAGE VERBAL POUR ARGUMENTER A. L'image a une force de conviction et de persuasion plus instantanée et plus directe que le langage verbal B. L'argumentation par l'image est plus universelle et plus accessible C. [...]
[...] Il faut, pour commencer, reconnaître une supériorité argumentative de l'image sur le langage verbal à certains égards : l'argumentation par l'image peut paraître plus efficace, en raison du caractère à la fois plus instantané, plus universel et plus directement impressionnant de l'image, et aussi parce que pour beaucoup, l'image est une preuve en apparence plus fiable que celle apportée par le langage. Tout d'abord, l'image semble plus apte que le langage verbal à convaincre et à persuader dans la mesure où elle atteint plus rapidement le destinataire : une image vaut en effet souvent mieux qu'un long discours. [...]
[...] Au contraire, certaines phrases (slogans, vers célèbres, ) restent souvent davantage dans notre mémoire : alors que les traits précis d'une image finissent toujours par s'estomper dans notre esprit, on est capable de se souvenir longtemps et exactement de telle ou telle phrase qui nous a marqués et ce phénomène tient sans doute au fait que la réception du langage verbal requiert une attitude plus active de notre part on est en effet toujours libre de lire ou non un livre, d'écouter ou non un discours à la différence de la réception d'une image, qui nous atteint et nous submerge, même malgré nous. Simone de Beauvoir a très nettement exprimé cette idée dans Tout compte fait (1972) : L'image sur l'instant nous envoûte ; mais ensuite elle pâlit et s'atrophie. Les mots ont un immense privilège : on les emporte avec soi. [...]
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