Discussion sur cette affirmation du texte "la satire chasse craint et manifeste la liberté. Les persans quittent l'air emprisonné du despotisme dès qu'ils osent rire et jouer avec les formes".
[...] La forme de chaque lettre lui donne une autonomie thématique, mais l'aspect répétitif de la satire en souligne l'artifice. L'incipit donne non seulement le thème, mais marque déjà la pointe par une périphrase assassine ou une analogie efficace. De même la chute bien souvent marque la fin de ces brèves explorations des mœurs et des coutumes par un renvoi lapidaire à la comparaison entre les deux mondes, l'Oriental et l'Occidental comme le résume Rica à la fin de la lettre XXIV : « C'est bien la même terre qui nous porte tous deux; mais les hommes du pays où je vis, et ceux du pays où tu es sont des hommes bien différents. [...]
[...] * Ainsi Jean Goldzink a su souligner la force libératoire de la satire, qui dans sa forme même et dans son écriture se révèle libératoire, non seulement pour les personnages, mais surtout pour les futures générations de lecteurs et d'écrivains qui sauront goûter le sel et le piquant de la joute oratoire, dans ce qu'elle a de plus fin. Marivaux lui donnera ses lettres de noblesse au théâtre. Il est amusant de souligner que malgré l'anonymat revendiqué dans la préface cet ouvrage si corrosif ouvrira pourtant les portes de l'Académie française à son auteur même si les Lettres persanes avaient bien égratigné cette institution. [...]
[...] Il est d'ailleurs étonnant que la censure ecclésiastique souvent si prompte à interdire les ouvrages pernicieux mettra autant de temps à placer les Lettres persanes à l'index. Usbek découvrira le doute métaphysique, sera tenté par le christianisme avant de se ranger derrière une attitude plus déiste. Ainsi Montesquieu éclaire cette évidence dans sa seconde préface : « Il y avoir un temps où il falloir nécessairement les représenter pleins d'ignorance et de préjugés : on n'était attentif qu'à faire voir la génération et le progrès de leurs idées. [...]
[...] Les moralistes du siècle classique par La Bruyère ou Boileau ont ainsi donné ses lettres de noblesse à la mise en évidence de caractères ridicules et d'entorses aux mœurs de leurs contemporains. Montesquieu se pose comme le simple dépositaire de ces lettres et prétend en posséder bien davantage. Il incite donc ses lecteurs à ne pas chercher de continuité dans ses ouvrages et joue ainsi sur le morcellement. D'ailleurs l'introduction des apologues comme celui des Troglodytes ou celui d'Ibrahim et d'Anaïs ainsi que la longue analyse sur la dépopulation rendent l'ouvrage assez difficile à classer. [...]
[...] En lisant les lettres de son mari, elle a ainsi tout appris sur la force persuasive de la satire. * Jean Goldzink propose ainsi un autre regard qui dépasse la simple recherche d'une dimension politique dans les Lettres persanes. La satire contamine le public à l'image des imitateurs qui selon Montesquieu se lancent dans la rédaction d'autres lettres orientales. En parlant de chaîne secrète, l'auteur incite le lecteur à mettre en pratique la périphrase et le renversement de regard. La sensualité hardie, les allusions à l'homosexualité se font par touches mouchetées, mais marquent le lecteur de ce regard distancié. [...]
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