Si la politique peut se définir comme la somme des connaissances et des procédés nécessaires à gouverner les hommes et à perpétuer le pouvoir exercé sur eux, alors la politique est omniprésente dans Inès de Castro. En effet, dans cette tragédie d'Houdart de la Mothe il est d'abord question de politique en tant que thème. En ce sens, la politique est un objet de discours pour les personnages, qui envisagent les meilleurs moyens pour le souverain de maintenir l'autorité qu'il impose à ses sujets : c'est précisément le problème abordé dans la scène 3 de l'acte IV, où la punition du fils rebelle est d'abord envisagée du point de vue de l'intérêt de l'état. Mais loin de n'être qu'un thème parmi d'autres, au même titre que l'amour paternel, l'amour filial, ou la guerre contre les Maures, qui font également l'objet d'un discours dans la pièce, la politique dans Inès de Castro a une importance capitale dans la dramaturgie, c'est-à-dire dans le fonctionnement de l'action représentée sur scène. En ce sens, l'Acte II est entièrement politique du fait de l'enjeu des évènements représentés et de ces évènements eux-mêmes, puisqu'il met en scène une rébellion contre Alphonse, roi du Portugal. Mais allant plus loin, c'est le problème central de la pièce, que la totalité de l'œuvre va s'attacher à régler, qui est d'essence politique, dans la mesure où ce problème implique la résolution d'une contradiction inhérente au statut de l'autorité. Ce problème peut se formuler ainsi : le souverain est-il roi avant d'être homme ; ou bien, autrement dit, les droits du sang doivent ils céder aux impératifs de la politique ? Le nœud tragique se forme donc à partir d'une contradiction entre le politique (les devoirs du monarque envers son peuple et ses alliés) et le non politique (la tendance naturelle d'un père aimant à pardonner à son fils, coupable d'aimer contre les intérêts du royaume). Loin de n'être qu'un objet de discours, la politique peut se penser également comme un matériau travaillé par le dramaturge en vue de fins poétiques.
Pour avancer dans notre réflexion sur la politique dans cette tragédie, il nous faut esquisser une définition du genre dramatique en question. Ainsi nous pouvons dire que la Tragédie est une œuvre dramatique présentant une action tragique (c'est-à-dire une situation où l'homme prend douloureusement conscience d'un destin ou d'une fatalité qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa condition même) et dont les évènements se traduisent en conflits aux dénouements funestes chez des personnages illustres, dont le malheur excite la crainte et la pitié du spectateur. En ce sens, il n'est de personnage entièrement tragique dans la pièce que celui qui lui donne son nom, Inès de Castro. Elle est la seule qui déploie entièrement les composantes de cette définition de la tragédie, par son trépas et son abnégation héroïques lors du dénouement de l'œuvre. Cependant, le personnage qui supporte le dilemme central de la pièce, et à qui il appartient exclusivement de le trancher, est bien celui du monarque Alphonse. A cet égard la politique prend un nouveau relief en tant que moteur de l'action dramatique, puisqu'elle est l'enjeu fondamental débattu par la figure même de l'autorité. On a souvent dit des pièces de Marivaux que tout leur enjeu consistait à faire passer les personnages d'un « non » initial à l'amour, à un « oui » définitif à la fin de la pièce : la scène d'exposition du Jeu de l'amour et du hasard peut en fournir un bon exemple. En ce sens, il y a comme une anticipation de ce schéma progressif de la dramaturgie chez Houdart de la Mothe, puisque le personnage d'Alphonse commence par l'affirmation de la prépondérance de son rôle auguste sur son identité de père, assume douloureusement ce choix et cette contradiction par la suite, avant de se monter homme plutôt que monarque dans l'avant dernière scène. Alphonse commence donc par nier la force de l'amour paternel, avant d'en reconnaître l'empire au final.
[...] Pour avancer dans notre réflexion sur la politique dans cette tragédie, il nous faut esquisser une définition du genre dramatique en question. Ainsi, nous pouvons dire que la Tragédie est une œuvre dramatique présentant une action tragique (c'est-à-dire une situation où l'homme prend douloureusement conscience d'un destin ou d'une fatalité qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa condition même) et dont les évènements se traduisent en conflits aux dénouements funestes chez des personnages illustres, dont le malheur excite la crainte et la pitié du spectateur. [...]
[...] En ce sens, le dramaturge mène une réflexion politique nuancée, où les lois apparaissent supérieures aux princes, mais où elles- mêmes sont tenues de céder lorsque leurs prescriptions s'opposent aux valeurs de pardon et de charité chrétienne. Si Brutus a sacrifié ses fils à Rome, rappelons-nous que dans l'Ancien Testament, Dieu a empêché Abraham d'immoler son fils en son honneur. Dans ce développement, nous n'avons considéré que les membres de la famille royale, et non le monarque lui-même. Il nous reste donc à déterminer si le roi apparaît tout puissant dans Inès de Castro, ou s'il est soumis à la force contraignante de sa propre parole. c. [...]
[...] Mais, allant plus loin, nous pouvons voir que l'évolution du personnage d'Alphonse vis-à-vis de cette question centrale se confond parfaitement avec la progression dramaturgique dans Inès de Castro. b. De la soumission aux intérêts de la politique à l'écoute de la loi du sang Tout au long de la pièce, nous assistons aux hésitations du monarque, qui ne décide qu'in extremis de pardonner à son fils rebelle. L'enjeu de l'œuvre est de montrer comment Alphonse, dit le justicier surnom qui génère un horizon d'attente chez le lecteur et le spectateur, puisqu'il les prédispose à voir en lui un juge inflexible- va changer de conception politique au cours de la pièce. [...]
[...] Si nous nous reportons au texte écrit par le penseur Florentin, nous le verrons soutenir cette thèse : Combien il serait louable chez un prince de tenir sa parole et de vivre avec droiture et non avec ruse, chacun le comprend : toutefois, on voit par expérience, de nos jours, que tels princes ont fait de grandes choses qui de leur parole ont tenu peu compte, et qui ont su par ruse manoeuvrer la cervelle des gens ; et à la fin ils ont dominé ceux qui se sont fondés sur la loyauté. Vous devez donc savoir qu'il y a deux manières de combattre : l'une avec les lois, l'autre avec la force ; la première est propre à l'homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent, ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir bien user de la bête et de l'homme. [...]
[...] La politique comme ressort dramatique Dans cette première partie, nous commencerons par considérer comment la politique, loin de n'apparaître dans la pièce qu'à titre d'objet de discours pour les personnages, est en réalité au cœur de la dramaturgie. En ce sens, elle est traitée comme un matériau par le dramaturge, qui la confronte à des devoirs extérieurs à ceux qui lui sont attachés afin de créer une situation de dilemme pour le personnage sur qui repose la pièce, Alphonse, roi du Portugal. Ce dilemme peut s'énoncer d'une manière condensée à l'aide d'une citation empruntée à la scène IV de l'acte II : ( ) Serai-je père ou roi ? a. Serai-je père ou roi ? [...]
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