Nous nous efforcerons donc de déterminer quelle place Gide, Queneau et Diderot donnent au « vrai » dans leurs romans. Nous vérifierons tout d'abord s'ils se conforment au programme d'Edouard. Nous verrons ensuite que l'utilisation de certains procédés relève d'autre chose que du réalisme, et que donc le « vrai » n'a pas toujours valeur de réalité. Enfin, nous verrons que ces trois auteurs dépassent le problème du réalisme en déjouant les règles acquises du roman, et en faisant du roman le lieu d'une parole poétique
[...] Le roman est ici réflexion poétique. Bien avant nos trois auteurs, La Bruyère écrivait Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent (Les caractères Des ouvrages de l'esprit). Les grands thèmes sont épuisés. De l'amour, de l'humanité, que reste-t-il à dire ? Nous n'en débattrons pas, mais nos auteurs ont peut-être trouvé dans le déplacement du sujet du roman, un moyen de sortir de cette aporie. [...]
[...] Ce procédé de mimésis est le moteur même du réalisme. Il s'agit ici de reproduire ce qui a été dit tel que cela l'a été. La mimésis veut l'œuvre telle que le réel. Le contenu de ces œuvres s'apparente lui aussi au réalisme à plusieurs égards. Les romans réalistes font, nous l'avons dit, passer un message aux travers de leur contenu. L'une des morales évidentes des fleurs bleues est que l'Histoire n'avance pas. Le roman de Queneau s'ouvre en effet sur le donjon Le vingt-cinq septembre douze cent soixante-quatre, au petit jour, le duc d'Auge se pointa sur le sommet du donjon de son château et il s'achève au même endroit Il y avait tant de brouillard qu'on ne pouvait savoir si ma péniche avançait, reculait, ou demeurait immobile. [...]
[...] L'auteur brise ici ce que le commun tient pour l'essence du roman : la narration. Il désarçonne ainsi le lecteur qui serait tout entier absorbé par l'histoire ne lui montrant que là n'est pas l'essentiel L'énonciation des possibles ou les pistes non suivies participent aussi largement à l'anéantissement de l'illusion littéraire. L'incipit des faux- monnayeurs nous présente Bernard trouvant une lettre d'un homme, qui n'est sans doute autre que son père biologique La lettre était adressée à sa mère ; une lettre d'amour vieille de dix-sept ans ; non signée. [...]
[...] L'écrivain n'a pas cette obligation journalistique consistant à ne pas trahir la réalité. Il est seul mettre à bord, le dieu subjectif et partial du petit univers qu'il crée. L'utilisation des procédés précédemment cités à des fins toutes autres que le réalisme est patent. Il s'agit tout d'abord pour l'écrivain de créer l'illusion référentielle indispensable. Pourrait- on lire sans un minimum de foi en l'histoire qui nous est racontée ? Non, c'est pourquoi l'auteur se contraint à une certaine vraisemblance. [...]
[...] Or Voltaire, celui dont il s'agit ici, est bien réel ! Voltaire est l'auteur que nous connaissons tous et avec qui Diderot entretient une vieille querelle. Il cite de même Rabelais, la Fare, Chapelle, Chaulieu, La Fontaine, Molière, Panard, Gallet, Vadé. Platon et Jean-Jacques Rousseau, qui prônèrent le bon vin sans en boire et qui sont à son avis de faux frères de la gourde mais qui n'en sont pas moins réels. Queneau, lui, cite des périodes de l'Histoire telles que la Guerre de cent ans ou bien les Croisades. [...]
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