Les contraintes formelles sont-elles pour le poète un obstacle à une expression libre et originale ?

Résumé du document

Or, les contraintes formelles sont nombreuses et régissent le genre. Peuvent-elles freiner la liberté et l'originalité des poètes, constituent-elles des obstacles à leur expression ou, en revanche, apportent-elles des voies enrichissantes ? (...)

Extraits

[...] La célèbre "querelle des Sonnets " du XVIIe siècle est,à ce titre,intéressante.Benserade et Voiture déchaînent les passions en leur temps.Chacun affirme la prééminence de son "champion "montrant que le poème du premier, "Sur job ",écrit en 1648 exprime mieux le sentiment amoureux que le "Sonnet Uranie "du second, rédigé en 1649.La rivalité, fondée sur l'utilisation de la forme fixe, des figures de styles nous semble aujourd'hui surprenante. Cette lutte ressemble pour nous à une distraction mondaine et les deux textes nous semblent moins passionnants peut-être précisément parce qu'ils se plient trop aux contraintes formelles. Lorsqu'elles prennent le pas sur l'inventivité et sur la volonté d'exprimer un sentiment profond, sincère et personnel, ces obligations peuvent constituer des obstacles à la composition mais aussi à l'appréciation de la poésie. Toutefois, elles peuvent aussi jouer un rôle bénéfique. [...]

[...] C'est règles , ancrées dans une tradition précise et connue aussi bien des écrivains que du public , sont si stricts, qu'elles pourraient constituer un obstacle à la liberté d'expression. 2.ELLES PEUVENT FREINER L4ORIGINALITE ET LA LIBERTE DES POETES A.ELLES BLOQUENT L'INVENTIVITE En effet ,trop se préocuper elles pourrait conduire un poète à la sécheresse et au silence.Certains textes des grands rhétoriqueurs ou quelques sonnets précieux, par exemple, deviennent ainsi ridicules parce qu'ils engluent dans un respect sclérosant des contraintes formelles Molière a d 'ailleurs utilisé cette tendance dans les célèbres sonnets introduits dans Le Misanthrope ou Les Femmes savantes ;on s'extasie on s'extasie alors sur la structure, sur les recherches précieuses, mais on en oublie la liberté et l'originalité pour s'enfermer dans la répétition banale et maniérée des mêmes thèmes. [...]

[...] Rappelées dans son Art poétique par Boileau, elles fixent des formes qui servent de cadres : odes, ballades,rondeaux,sonnnets par exemple. Les adopter, c'est se conformer aux obligations qui les déterminent, rédiger un sonnet , c'est composer quatorze vers, groupés en deux quatrains et deux tercets, progresser vers une chute originale, mettre en place des schémas de rimes précis (marotique, italien ou élisabéthain pour tercets) par exemple. Toutes ces contraintes formeeles définissent par ailleurs les fondements mêmes du texte poétique,du moins jusqu'au XIXe siècle:grouper les vers en strophes et adopter des rythmes particuliers (octosyllabes, alexandrins ,par exemple) liés au genre choisi sont des modes d'opérer nécessaires. [...]

[...] Ils jouent totalement sur les contraintes formelles, Hugo désarticule les alexandrins, fait éclater les strophes, Apollinaire apporte une dimension picturale et figurative au texte en composant, en dissinant, des calligrammes. Pour renouvler un genre, il faut en connaître les limites et les contraintes; les vers peuvent être des “soldats de plomb” mais, comme l'affirme Corbière, la et le “délire” sont proches et peuvent apparaître. Loin d'être des obstacles, les règles et les contraintes formelles peuvent devenir des supports poétiques. Leur respect comme leur destruction partielle offrent des jeux de langage qui enrichissent la création littéraire. [...]

[...] Les obligations numériques,le respect des “fils et des jalons” ne l'empêchent pas deproduire un poème original, d'y exprimer même une critique du formalisme excessif. Du Bellay peu afffirmer manquer d'inspiration dans un poème qui prouve magnifiquement le contraire et dont les contraintes formelles servent aisément le propos.Laforgue peut jouer sur la simplicité du vocabulaire, sur la familiarité du monde, sur des références triviales parce qu'il s'inscrit, précisement, dans le cadre du sonnet, forme rassurante et connue du lecteur. Critiques, satires,jeux de toutes sortes peuvent ainsi s'exprimer dans un moule qui, loin de gêner cette expression, permet un véritable renouvellement poétique. [...]