Dans “ Élévation ”, Charles Baudelaire prescrit à son esprit une orientation vers des sphères de beauté supérieure et mentionne par là trois thèmes centraux de sa poétique : la quête, la pureté et la référence à une beauté supérieure, “ hors du monde ”. C'est là l'orientation générale de la poésie baudelairienne, que l'auteur des Fleurs du Mal a l'occasion de préciser dans ses essais de critique littéraire.
Ainsi, Baudelaire formalise sa poétique dans un passage de ses Notes nouvelles sur Edgar Poe repris dans un texte sur Théophile Gautier. Il définit la poésie contre la démonstration (scientifique ou morale) : “ Tout ce qui fait le charme, la grâce, l'irrésistibilité d'une chanson enlèveraient à la Vérité son autorité et son pouvoir. Froide, calme, impassible, l'humeur démonstrative repousse les diamants et les fleurs de la Muse ; elle est donc absolument l'inverse de l'humeur poétique ”. Cette distinction radicale à partir de laquelle est définie la poésie implique l'autonomie de la Beauté et de la poésie, leur pureté : “ La poésie, ne peut pas, sous peine de mort ou de déchéance, s'assimiler à la science ou à la morale ; elle n'a pas la Vérité pour objet, elle n'a qu'Elle-même. ” C'est donc sur la finalité de la poésie que se fonde sa profonde différence avec la passion, la vérité et la morale ; et par conséquent également sur sa méthode : “ Les modes de démonstration de vérités sont autres et sont ailleurs. ”, et non sur le résultat, qui peut être proche. “ La Poésie, pour peu qu'on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d'enthousiasme, n'a pas d'autre but qu'Elle-même ; elle ne peut en avoir d'autre ”, d'où l'affirmation centrale que l'enseignement, en poésie, est hérésie. La vision de la poésie ici proposée par Charles Baudelaire repose donc sur l'exigence de pureté et, conséquence immédiate, sur son but unique et exclusif : “ Elle-même ” donc, enfin, sur les moyens poétiques, absolument différents des “ modes de démonstration ”. Baudelaire interroge donc l'ontologie même de la poésie, et propose sa propre vision de l'intention poétique, conception sous-tendue par la notion de pureté expliquant l'immense et exclusive ambition que Baudelaire assigne à la Poésie.
[...] Plus généralement, l'“humeur poétique” que mentionne Baudelaire implique un refus de l'action et un abandon du politique (manifestation de l'hérésie de la “passion”). Telle est l'attitude de Théophile Gautier, auquel Baudelaire rend hommage, autant dans les essais qu'il lui consacre que dans la dédicace des Fleurs du Mal : Sans prendre garde à l'ouragan Qui fouettait mes vitres fermées, Moi, j'ai fait Émaux et Camées. (Émaux et Camées, Préface) Cette formule introductive indique bien la nette séparation entre poésie et politique, qui garde la poésie dans sa pureté ; c'est en cela qu'il faut comprendre que Baudelaire qualifie Gautier, dans sa dédicace, de poète impeccable : le Parnasse, et Gautier en tête, refuse de corrompre la poésie dans une quelconque mondanité. [...]
[...] Ontologiquement et méthodologiquement, la poésie ne peut donc pas s'orienter vers un strict enseignement démonstratif car elle en diffère par l'humeur et les moyens. Cependant, scinder l'Idéal en des parties distinctes que seraient le Vrai, le Beau et le Bien, est bien entendu artificiel et but ultime de la poésie est la réconciliation de ces entités. Ainsi, il existe un enseignement poétique, certes non nécessaire au moment pur de l'intention poétique (précédant à peine la création, le passage à l'acte poétique), mais émergent dans l'acte réciproque de lecture, ce qui fait que le résultat n'est pas aussi pur que l'intention, et ce bien heureusement. [...]
[...] Vision sublime Ou, plus loin : Oui, je vous le déclare, oui, je vous le répète, Car le clairon redit ce que dit la trompette, Tout sera paix et jour ! Entre ces deux moments, le poète écrivant Les Châtiments fait œuvre historique de poète, enseignant à sa manière (l'ironie, bien souvent) ce qu'est le Bien et le Juste. Le même but réunit donc Victor Hugo et Charles Baudelaire et la différence de méthode tient à la différence biographique de conscience (la biographie de Baudelaire nous renseigne en effet sur l'instantanéité de sa conscience et la vie de la contradiction, ne serait- ce que par sa fréquentation de catins et son chant de la Beauté et des beautés). [...]
[...] En effet, le rêve consiste à dépasser le réel par des voies qui fuient le temps, tandis que l'action vise une transformation dans le temps. Ainsi, une des premières solutions s'avère être l'expression littérale d'un songe. C'est le choix que fait Gérard de Nerval dans nombre de ses poèmes, et notamment dans Lénore (Poésies diverses) qui illustre une course onirique où se côtoient mort et vie : Housch ! housch ! housch ! les spectres en foule À ces mots se sont rapprochés Avec le bruit du vent qui roule Dans les feuillages desséchés : Hop ! [...]
[...] Dans Le loup et l'agneau, c'est par la figure de l'ironie, ainsi que de l'allégorie (forme de symbole) qu'il y parvient. Le loup fait en effet montre de toutes les attitudes que l'agneau pourrait légitimement emprunter : l'accuser de témérité : Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité Ou encore se plaindre : C'est donc quelqu'un des tiens : Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers et vos chiens. [...]
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