Si ces mots n'identifient pas peinture et poésie, ils soulignent leur ressemblance, voire leur appartenance à un champ plus large : l'art en général. Le principe générateur de la création artistique, le fonctionnement des productions et leur signification, leur valeur pour l'Homme serait le même dans la peinture, la sculpture, la musique, la poésie.
Pourtant, si des correspondances indéniables existent entre les différents champs artistiques, un élément - et non des moindres - pose la poésie à l'écart des autres arts : son support, le langage.
En naissant par et pour le langage, la poésie devient non seulement spécifique, mais peut-être aussi principe de connaissance du monde, et surtout, principe de changement, de renouvellement de tout ce que nous connaissons.
L'art, comme toute chose, débute par la poésie (...)
[...] Lorsque Baudelaire évoque la coupole spleenétique du ciel dans Chacun sa chimère il parle d'une réalité que nous avons tous connue sans pouvoir la nommer. Si la peinture et la poésie se rapprochent dans l'idée d'une création, de la transmission d'un point de vue, on s'aperçoit vite que ces mots d'Horace négligent tout ce qu'implique le langage comme matériau de la poésie. Le langage englobe tout ce que nous connaissons nous ne connaissons qu'à travers lui. La poésie, qui imprime un mouvement aux mots imprime un mouvement au monde plus que n'importe quelle autre activité humaine. [...]
[...] Ut Pictura Poesis Horace. I. Les liens entre la poésie et la peinture II. Des différences qui s'imposent III. La poésie comme connaissance du monde Il est assez paradoxal de vouloir comparer deux des arts que compte l'activité créatrice humaine. S'ils portent des noms différents, si les techniques employées, les supports et jusqu'aux récepteurs des productions ne coïncident pas, Horace, dans son Ars Poetica, prétend le contraire: Ut pictura poesis La poésie est comme la peinture, et la tradition s'est longtemps fait le relais de l'enseignement d'Horace. [...]
[...] Et une couleur en elle-même n'est pas porteuse de sens. Bien sûr, cela ne signifie pas que la peinture soit moins valable que la poésie. La force de la peinture est de me mettre devant le fait accompli de la création artistique: je ne me sentirai pas submergé par la force des images que me suggère Le Curé et le Mort de La Fontaine, comme je peux l'être face au triptyque de Zao Wou-Ki Le Vent Pousse La Mer. En poésie, je dois imaginer ce dont me parle le poème, m'en faire une représentation avec de comprendre. [...]
[...] et ce second mouvement achève ma lecture. En peinture, je peux rester passif devant l'image, les formes et les couleurs: la poésie nous demande d'être actifs. Si le poète a travaillé à mettre le maximum de corps dans la langue (Ponge), je dois faire mouvoir ce corps. Le chat que décrit Baudelaire dans L'horloge est peut-être moins figé que celui que Manet à peint sur le lit de l'Olympia . Aussi, peinture et poésie ne se tournent-elles pas dans la même direction: leurs composants de base ne disposent pas des mêmes implications un mot n'a pas le même poids qu'une couleur et l'expérimentation des productions poétiques et picturales s'opposent en partie. [...]
[...] Nous rejoignons les thèses de Kendall Walton: Baudelaire, dans Mademoiselle Bistouri nomme son personnage, donne un nom à l'objet de sa passion, les médecins En nommant, il crée un univers fictionnel, au même titre que nous avons créé le monde qui nous entoure, nous nous le sommes révélé en apprenant à le nommer. Or, le désir du poète, c'est bien d'aére[r] le dictionnaire (Maulpoix), de donner un nouveau souffle au langage qui perd son épaisseur dans l'institutionnalisation, dans l'habitude, et qui pourtant permet tous les jours notre connaissance du monde. En nous interrogeant sur les mots, nous nous interrogeons sur le monde. [...]
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