« La vie c'est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit ». Ainsi, pour Louis-Ferdinand Céline la nuit est la fin, une obscurité qui annihile le faible rayon de lumière de ce que fut la vie. On doit à Hugo une citation plus optimiste : « Le Diable est la nuit de Dieu. Qu'est-ce que la nuit ? La preuve du Jour ». Ainsi, selon Hugo, une nuit à laquelle ne succéderait aucun jour ne se peut accomplir. Le pas qui sépare Hugo et Céline est vaste d'un point de vue temporel, d'un point de vue idéologique, mais est-ce pour autant qu'il est si facile de les départager ? Non, bien au contraire, si la nuit se peut comprendre et expliquer rationnellement et sans laisser de doute d'un point de vue scientifique, il n'en va pas de même dans une esthétique littéraire et poétique.
Un critique a dit : « Dans sa double postulation à l'intimité et à l'immensité, à l'abandon et à la veille, à la proximité et aux lointains, la nuit [...] autorise à la fois la révélation et le mystère. » Par cette phrase, l'auteur met d'abord en avant le caractère double de la nuit sur tous les plans, ce que tous les poètes concèdent, mais également tous les hommes : la nuit est propice à la méditation solitaire, à la contemplation du ciel comme Victor Hugo le traduit bien dans son poème « Un soir que je regardais le ciel » in Les Contemplations, on peut s'abandonner à elle, sombrer dans le sommeil, ou bien lutter contre lui et veiller. Affirmant d'abord ces postulations, le critique avance que selon lui la nuit permet la révélation, qui peut avoir plusieurs aspects (...)
[...] La nuit semble charmer, hypnotiser, elle se fait une maîtresse du poète, pour laquelle ce dernier délaisse la femme qui l'accompagne. Cette scène est décrite dans Un soir que je regardais le ciel de Hugo : un soir une femme le plaisante car il passe des heures à contempler le ciel de la nuit et ne la regarde pas elle Que font vos yeux là haut ? Je les réclame. Quittez le ciel ; regardez dans mon âme ! On comprend à cette paire de vers que le poète est véritablement contemplateur de la nuit, la scène est de plus très facile à imaginer, on peut imaginer Hugo à une terrasse mirant le ciel, l'air surement absent, sa femme ou sa maîtresse cherche à le tirer de sa rêverie. [...]
[...] La nuit obscure que De la Croix décrit est la négation du monde que l'on doit faire en soi. Le mystique ici s'inflige la nuit des sens, c'est dire qu'il ferme ses yeux au monde extérieur. Le corps que l'on a entouré de nuit est ce que Saint Jean de la Croix appelle sa casa sosegada sa maison apaisée l'âme pour sortir du corps et atteindre Dieu a besoin que le corps soit apaisé des passions et des sens terrestres, il ne faut en aucun cas surinterpréter et penser que ce n'est que dans la mort du corps que Jean de la Croix pense pouvoir atteindre Dieu, non celui-ci pense que par une vie de piété et d'ascèse il est possible d'atteindre Dieu. [...]
[...] Tonnerres ! Jets de souffre ! Mystère qui chante et qui souffre ! Formule nouvelle du gouffre ! Mot nouveau du noir livre ciel ! La nuit offre à Hugo la vision d'un monde nouveau, cette répétition du mot nouveau ne peut que nous faire penser aux mots qu'écrivit plus tard Baudelaire dans le poème ultime des Fleurs du mal, Voyage : Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? [...]
[...] Si les aspects religieux de ce phénomène diffère de l'expérience de Saint Jean de la Croix, la différence n'est pas aussi grande dans l'aboutissement de ces révélations mystiques. En effet, alors que Novalis, éperdu de chagrin, plonge dans la nuit, refuse le jour symbole de joie et du Dieu qui l'a privé de Sophie, une révélation a lieu : Ô nocturne enthousiasme, toi le sommeil du ciel, tu m'emportas [ ] Le tertre n'était plus qu'un nuage de poussière, que transperçait mon regard pour transporter la radieuse transfiguration de la Bien-Aimée. [...]
[...] On voit également dans Hugo la présence de la mer ou de l'eau dans des scènes nocturnes. L'eau est souvent considéré comme une sorte de passage d'un monde à l'autre, idée qui a dû être véhiculé par les religions antiques qui plaçaient souvent les âmes défuntes dans un fleuves : Styx ou Léthée par exemple chez les latins. Mais l'eau, c'est aussi un rappel à la mort de Léopoldine qui s'est noyée dans la Seine avec son mari. Il faut voir dans la poésie d'Hugo un constant rappel à cette mort qui transfigure complètement sa poésie, comme il le montre dans la construction de ses Contemplations la première partie vouée au printemps et à la jeunesse est dans certains passages d'une naïveté charmante, mais parfois d'une mièvrerie un peu déconcertante, alors qu'à la mort de Léopoldine dans son recueil, rappelons que la chronologie qu'il fait est fictive, les vers deviennent plus profonds, plus intenses. [...]
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