Au cours de l'Histoire, la place des poètes a beaucoup évolué dans la société. Alors que leur art était prépondérant au Moyen-âge pour sa musicalité, au XIXème siècle les poètes sont considérés comme des marginaux, et sont exclus de la société. La plupart d'entre eux ressentent alors un certain malaise. Baudelaire dans Les Fleurs du Mal ira même jusqu'à comparer le poète à un albatros dans le fameux poème du même nom et composera : "Le Poète est semblable au prince des nuées [...] Ses ailes de géant l'empêchent de marcher." D'après Baudelaire le poète est donc incapable de se mouvoir dans une société à laquelle il ne peut s'adapter. De Vigny, un autre poète du XIXème siècle tente lui de trouver un remède à ce mal-être ; le 12 février 1835 est représenté pour la première fois Chatterton au Théâtre français. Son personnage éponyme est la figure même du poète solitaire et maudit, rejeté par la société. Cette pièce en trois actes d'Alfred de Vigny n'est autre qu'un plaidoyer envers les poètes et un blâme de la société. Dans sa préface Vigny écrira que le rôle du poète est de se laisser emporter par son imagination et de fuir "vers des mondes inconnus".
Cependant nous pouvons nous demander si pour être poète il suffit de se conformer aux recommandations d'Alfred de Vigny.
Dans un premier temps nous allons voir en quoi se laisser emporter par l'imagination et s'évader dans l'inconnu peut suffire pour être poète, cependant nous verrons dans un deuxième temps que la technique occupe une place d'importance dans la création poétique. Enfin nous verrons qu'être un poète c'est avant tout l'art de revisiter le quotidien.
Tout d'abord nous allons voir en quoi un poète peut se laisser emporter par son imagination et fuir "vers des mondes inconnus".
Il est vrai qu'au XIXème siècle les poètes furent en proie à un profond mal-être. La plupart vivent en marge de la société, et se considèrent comme maudits. Le désespoir les submerge et Baudelaire comparera, dans son poème Spleen, l'espérance à une chauve-souris (...)
[...] En se laissant transporter par leur imagination les poètes aspirent donc à trouver un refuge, un endroit dans lequel ils se sentiraient enfin bien et pourraient échapper à ce mal-être inhérent à leur époque. Cette recherche d'un Idéal est l'un des principaux courants animant le recueil de Baudelaire intitulé Les fleurs du mal. Cette fuite vers un monde meilleur est entre autre caractéristique du poème "Elévation". En effet Baudelaire y peint l'expérience spirituelle de l'exaltation idéaliste grâce à la métaphorisation du ravissement spirituel, mais aussi en représentant le monde de l'Idéal, le monde des essences, de l'absolue, du divin et de l'infinie. [...]
[...] C'est d'ailleurs le cas dans le poème de Blaise Cendrars s'intitulant " La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France". En effet dans sa version originale la présentation du poème semble mimer les mouvements d'un train, avec ses espaces marquant les arrêts du train et l'irrégularité de ses strophes laissant deviner les variations de vitesse du train. Enfin les poètes sont souvent considérés comme des Hommes à part, capables de sonder la Nature et de la déchiffrer. [...]
[...] Ainsi en combinant sa maîtrise du langage poétique à son imagination sans limite, le poète propose une nouvelle vision du monde à ses lecteurs et revisite la réalité. Dans le célèbre poème d'Arthur Rimbaud "Le buffet", cet objet du quotidien prend en seulement quelques vers la forme d'un vieil ami témoin du temps passé. Dans ce poème la symbiose entre imagination et technique tend à transmuer notre point de vue en conférant à un buffet de la sympathie. Le poète contemporain Francis Ponge s'est aussi appliqué à rafraichir notre regard sur les choses familières qui nous entourent et auxquelles l'on ne prête plus guère attention. [...]
[...] Ainsi d'après les Parnassiens pour être poète il suffirait de se concentrer sur la forme et non le contenu car la beauté de la poésie lui serait imminente, elle contiendrait en elle-même sa force et sa puissance. Le poète Théophile Gautier est à l'origine de la célèbre doctrine qu'est "L'art pour l'art" et qui résume simplement son désir de perfection formelle dans la poésie, qu'il compose, en donnant priorité à l'esthétique. Dans son recueil Emaux et Camées parut en 1852, le poète qu'est Gautier s'inspirant de la sculpture tend à reproduire les effets de lumières, de couleurs et de lignes grâce à des poèmes très structurés dans lesquels toute sa technique se déploie. [...]
[...] Se laisser emporter par son imagination et fuir "vers des mondes inconnus" peut aussi être à l'origine d'un nouveau souffle dans la création poétique, car l'atteinte de cet inconnu tant convoité peut passer par le dérèglement des sens qui permet au poète d'envisager la poésie de manière différente. Dans la troisième partie des Fleurs du mal intitulé "Le Vin", l'ivresse est évoquée comme une évasion positive, certes illusoire, mais redonnant à l'Homme de l'espoir, et de la vitalité. On constate que cette section du recueil dénote par son aspect joyeux. [...]
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