L'artiste en général est tempéré par les limites de son domaine d'expression : le peintre par le cadre de son tableau, le danseur par les lois de la pesanteur et le sculpteur par son bloc de marbre. Le poète, dont le matériau est la langue et les mots, est un inventeur de formes expressives. Par ailleurs, la littérature a joué un rôle important dans l'évolution des idées et des sensibilités des sociétés humaines. Beaucoup d'écrivains ont mis leur plume au service de la libération de l'homme dans des luttes concrètes, politiques ou sociales (...)
[...] La chanson Lily de Pierre Perret, qui dénonce le racisme dont sont victimes les émigrés dans nos sociétés a fait le tour des stations radio et s'est facilement imprimée dans les mémoires. Elle a même un avantage sur la poésie : le message sera d'autant mieux véhiculé que la mélodie qui l'accompagne sera plaisante. À cette concision, la poésie allie la variété : multiplicité des formes (vers réguliers, vers libres, sonnet ballade, poème en prose, calligramme), c'est un genre qui peut prendre plusieurs formes et qui joue de tous les registres. [...]
[...] Par ailleurs, l'émotion transmise du poète au lecteur est tellement forte qu'elle risque de le priver de mesure, de sens critique dans la réalisation de son œuvre. Comme le disait Mallarmé : Ce n'est point avec des idées qu'on fait des poèmes, c'est avec des mots C'est dire qu'à trop privilégier l'idée, la poésie court le danger de perdre de son efficacité. On relèvera dans ce sens l'échec des poètes pour qui prime l'idée, dans une poésie plus faite de raison que de langage. [...]
[...] Certains poètes utilisent cette capacité de la poésie en inventant des mots qui, par leurs sons et leur magie, créent réellement le sens. C'est le cas de Boris Vian qui rend sensibles, presque physiquement, l'arrogance dominatrice des puissants de la guerre qui ventripotent dans la vie C'est par ses images frappantes que le poète fait de sa poésie une œuvre envoûtante, mais aussi par des rythmes et une musique qui impriment des refrains dans l'esprit du lecteur ou produisent une étrange musique qui charme, qui fait insidieusement entrer dans la mémoire, en même temps que des sons suggestifs, l'idée qu'ils véhiculent. [...]
[...] Plus aucune de vos phrases que je ne sache reprendre ! Ces fleurs sont vos fleurs et vous dites que vous ne les reconnaissez pas Mais pour que leur message soit compris et que le destinataire réponde à leur appel, la poésie exige une sensibilité en éveil, une aptitude à comprendre l'art qui nous parle un langage différent de celui de notre quotidien. A contrario, pour être entendu, le poète a besoin d'un lecteur réceptif. Ceci pose le problème de l'éveil à la poésie, d'une éducation qui apprenne à tous à lire la poésie, mais aussi les œuvres d'art en général, dont les objectifs ne sont pas uniquement de manier des idées mais aussi d'éveiller la sensibilité et de dévoiler la beauté du monde. [...]
[...] Il y a là plus de raisonnement en vers que de vraie poésie. Du reste, le 18ème siècle, celui de la raison et du combat d'idées, n'a que peu ou pas produit de véritable poésie. L'idée envahissante, politique ou sociale, tue la poésie et se trouve être davantage le domaine de la prose ou du pamphlet, pour convaincre plus que pour persuader. Et pourtant, comme le suggérait Mallarmé, le poète a beau laisser l'initiative aux mots, il parle toujours du monde et de soi, il s'engage personnellement. [...]
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