Dans ses Promenades Littéraires, Rémy de Gourmont écrit : " En somme, il n'y a qu'un seul genre en littérature : le poème. Tout ce qui n'est pas poème n'est rien du tout." Avec cette assertion univoque, Rémy de Gourmont veut redorer le blason de la poésie, qui paraît en deçà des "archi" genres comme le roman ou le théâtre. Souvent délaissée car trop mystérieuse, secrète, et hermétique, la poésie apporte cependant une lecture nouvelle et presque interactive du lecteur. La sensibilité et l'imagination de ce dernier sont des qualités attendues par les poètes. Or ici, on voit se dessiner un paradoxe : ce n'est pas de la poésie que parle Rémy de Gourmont, mais du « poème ». Il oppose donc le concept extrêmement général qu'est le « genre » au symbole de la singularité, de la particularité qu'est le poème et c'est ici que réside la difficulté de la citation. A cela s'ajoute l'excès indéniable de la deuxième partie de la citation qui enlève toute crédibilité et surtout toute valeur aux autres genres. Il sera alors intéressant de se demander si les poèmes suffisent vraiment à toute la littérature : dans un premier temps en étudiant en quoi le poème est un genre à travers trois caractéristiques spécifiques au poème, qui rassemblées peuvent constituer un genre (langage, visée et liberté du sujet). Puis nous verrons les lacunes du poème par rapport à un roman ou à une pièce de théâtre, et déduirons ainsi que la poésie nécessite les autres genres. Enfin nous nous demanderons ce qui pourrait faire de la poésie un genre idéal, au sens ou l'entend Rémy de Gourmont, ou quand la poésie rencontre la prose. (...)
[...] Mais il paraît difficile que ce genre soit suffisant à toute la littérature. Lorsque Rémy de Gourmont dit que tout ce qui n'est pas poème n'est rien du tout il est évident que cela est excessif. La poésie ne peut pas à elle seule suffire à toute la littérature. Elle a des lacunes. Et c'est-ce que nous allons voir dans cette seconde partie, en contestant quelque peu les propos de Rémy de Gourmont. Qu'est-ce qui manque au poème ? Qu'est-ce que le roman ou la pièce de théâtre ont en plus, que le poème n'a pas, et qui est nécessaire à la littérature ? [...]
[...] Il n'est pas rare de lire des pièces d'une extrême poéticité, sans pour autant lire une poésie classique et sensible. Ainsi nous pouvons retrouver chez Ionesco une véritable poésie de l'aburde qui se rapprocherait des cadavres excquis surréalistes. Dans La cantatrice Chauve certaines formules semblent teintés de poésie : " prenez un cercle, caressez le, il deviendra viscieux Ce jeu sur les mots, accompagné d'une personnification amusante du "cercle" nous plonge dans l'univers du poème surréaliste. Mais il est évident que la poésie est beaucoup plus flagrante dans des textes de théâtre classique tels que Phèdre de Racine par exemple. [...]
[...] Pierre magique ! C'est cette façon de faire du poème une entité, un sujet d'expression qui s'écrit dans l'instant, dont l'objet, par sa concision, n'est adapté qu'au poème, que l'on peut dire en somme, il n'y a qu'un seul genre en littérature : le poème Chaque poème s'inscrit dans une sorte d'unité qui le classe dans le genre poétique : il est inutile de s'attarder sur le fait que tous les poèmes sont régis par une versification codifiée, et une prosodie indispensable, ce qui les regroupent automatiquement dans un seul et même genre : la poésie. [...]
[...] ( Fonction du poète« ) . Le poète artiste quant à lui crée un poème qui porte un message de beauté pure, le culte de l'art et de la rigueur de la forme. C'est Gautier qui incarne ces poèmes de l'Art pour l'Art, notamment dans L'Art : Tout passe. - L'art robuste/ Seul à l'éternité ; / Le buste / Survit à la cité. [ ] Les dieux eux même meurent, / Mais les vers souverains/ Demeurent/ Plus forts que les airains. [...]
[...] La poésie peut en effet s'accoupler avec les autres genres, peut-être pour former un genre " idéal". Ainsi on peut s'attarder sur Illumination de Rimbaud, un recueil de poèmes en prose, et en particulier sur un des plus beaux poèmes : "Aube". On sent dans ce poème la puissance de la poésie à travers l'envie de dépassement du réel : le poème est construit sur l'entre deux, la transition, à l'image de l'aube. La distinction entre réel et rêve est donc difficile à établir, et bien que le poème ne comporte aucun système de rime, ni de versification, la sensibilité poétique n'échappe pas au lecteur : " J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture